… En tant que sirène sarde de pile 25 ans je constate qu’une fois de plus RIEN n’est fait pour nous, les sirènes sardes de 21 à 29 ans, et que ça commence à bien faire, surtout après ce que nos mères ont enduré, mais nos mères n’ont plus à lever la jambe, tandis que nous autres avons encore notre chance, à ce qu’on sache, ainsi nous élevons-nous contre le fait discriminatoire que TOUT soit offert aux seules sirènes sardes de 20 et 30 ans …
Image : Philip Seelen
Panopticon - Page 10
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Minorité brimée
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Jane
…Rue de Verneuil il faisait trop noir quand il n’était pas là, il y avait juste quand il était là que le noir était une couleur, mais tu comprends qu’avec Bambou j’ai eu besoin de lumière et tout près de là il y avait cet appart au rez qui donnait carrément sur la rue, ah oui rue de Lille, je voyais Lacan passer un matin sur deux avec son cigare et son nœud pap, il me souriait gentil, et l’autre matin sur deux c’était Duras à la clope qui me souriait gentil elle aussi, donc on vivait dans la lumière avec Bambou que Serge dessinait sur le vif avec son crayon de fumée, c’était si doux ces années avec lui, même quand je suis partie…
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Le Nom
…Les montagnes s’en foutent mais ce n’est pas une raison pour dételer, me dis-je ce matin de redevenir abeille à besicles et c’est pour elles aussi, dont je me disais à dix-huit ans qu’elles me rasaient de ne pas voir la mer, mais qui me la font voir plus vraie en vérité véritable - c’est pour elles que je reprends ce matin la montée dure et pure des mots sur la blanche page du ciel, en italien cela se dit arrampicarsi et de l’autre côté m’attend la mer qui s’en balance elle aussi, et derrière la mer le désert et derrière le désert sur le Mur: ce Nom…
Image: Philip Seelen
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Le secret
...La boîte de Pandore du ressentiment ne s’ouvrira pas si je regarde ce qui est et ceux qui sont en leur donnant, comme le romancier, à tous, raison, mais ces objets me fouaillent les tripes, la brillance et la puanteur, la presse et le vin lourd, tout le passé non écrit, tout le récit secret qui dirait que je suis devenu tel ou tel dont quiconque ne peut entrevoir quoi que ce soit de la royauté ou de la vilenie sans le connaître par son prénom et l’appeler du ciel tandis que ses mains prient derrière la grille…
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L'oubli
… Toutes les nuits c’était reparti par les allées filiformes, dans la résille des soies d’arbres et d’étoiles, pieds nus et démenotté, direction pas de direction, quand le Héros tout sommeil s’avance nu devant les costauds qui font la tortue - car cette nudité de l’enfant somnambule sous son pyjama de pilou est invincible et leur permet peinard avant l’aube en bataille de resonger à la Femme laissée là-bas pantelante de baisers – et le môme cerné d’abîmes relevait encore d’autres défis que le douanier Marbeuf a complètement oublié avec le temps, un divorce et la vie de six chiens…
Image : Philip Seelen -
La trace
… Nous qui étions supposés devenir comme des dieux avons laissé notre trace sur les sphères visibles et invisibles à l’œil à facettes de notre crâne de reptile debout, cher Yorick, mais une nostalgie terrible nous fait chercher encore partout et ailleurs le souvenir à venir d’une source dans les feuilles, je suis ce matin dans la main du Dieu clément à écouter les dernières infos sur radio DDT, je prie le Dieu terrible de me délivrer de la tentation de tuer mon frère ennemi, mon chant dérisoire sera tout ce qu’en sauront nos enfants…
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Liaisons
…Les vertèbres de l’ADN font swinguer les lettres de mon prénom dans les herbes du bord du Danube du haut été de 1961 (nous fumions des Chesterfield avec mon ami allemand et je lisais à plat ventre Hemingway, qui se flinguait au même instant) ou sur le zinc griffé de malédictions des bars du nord où tu me dis par mail que tu te défonces à la vodka au miel, elles donnent leur tendre arrondi aux lettres du prénom de celle que j’aime dans les lettres d’amour qu’elle m’écrit trop rarement depuis l’avènement du SMS, elles se ramifient dans les lettres des prénoms de nos enfants, elles sont comme une fumée d’os issue du corps de ce poète de verre que j’aime comme un frère ou un fils jamais rencontré dont les lettres du poème disent qu’il « regarde sans voir la trace laissée par un avion, une suite de vertèbres détachées par le vent »…Image : Philip Seelen
Citation : Philippe Rahmy, Demeure le corps. Cheyne 2007.