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  • Pour tout dire (1)

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    À propos de la (folle) démarche autobiographique de l’écrivain norvégien Karl Ove Knausgaard. De l’absolu inatteignable du TOUT DIRE, avec ses modulations décentes ou scandaleuses, dans la filiation de Proust. En lisant La mort d’un père, premier volet d'une trilogie comptant actuellement plus de 1700 pages...

    À La Désirade, ce samedi 20 août 2016. – Il m’est arrivé hier quelque chose que je n’imaginais pas avant-hier, consistant à découvrir un livre d’un écrivain norvégien quadra qui pourrait être mon fils par l’âge, comme je pourrais être le petit-fils de Marcel Proust si la Providence en avait eu la fantaisie, et dont la démarche autobiographique visant l’inatteignable absolu du TOUT DIRE, à la fois courageuse et vouée au scandale, recoupe celle des carnets que je tiens depuis la fin des années 60 - où, précisément, cet auteur du nom de Karl Ove Knausgaard a vu le jour -, dont j’ai publié plus de 2000 pages sur lesquelles seules 500 pages, dans le volume intitulé L’Ambassade du papillon, traduisent cette aspiration au TOUT DIRE puisque je n’y ai fait aucune retouche en dépit de coupes nécessitées par le format du livre, entre autres pages jugées impubliables par l’éditeur.

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    Or Knausgaard a poussé le bouchon bien au-delà de ce qu’on pourrait dire la ligne rouge de la pudeur ou de la protection de son entourage, et d’emblée la lecture de La Mort d’un père m’a saisi et passionné, mais à la fois conforté dans mon actuelle position de réserve personnelle qui aurait dû m’interdire, en principe, de blesser des personnes vivantes en les nommant dans un livre publié - ce que j’ai pourtant fait dans L’Ambassade du papillon...

    Ce qui m’intéresse alors dans le cas de Knausgaard, dont la démarche est aussi radicale et peut-être détestable (lui-même dit détester ce qu’il écrit et regretter de se comporter en « tueur ») que littéraire, c’est précisément que son apparence « brute de décoffrage » va bel et bien de pair avec une démarche littéraire de type proustien transposée dans notre époque de langage avarié et d’indiscrétion généraliseée, avec une vivacité narrative, une limpidité et une originalité dans les variations de focale de son observation qui relève de la littérature considérée comme une sorte de journal de bord de l’humanité, ainsi que la définissait John Cowper Powys.

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    C’est à cause de Proust que j’ai découvert hier Knausgaard, ou plutôt grâce à l’une de mes libraires préférées, du nom de France Rossier, à la librairie La Fontaine de Vevey (on parque sur la Grand’Place et c’est à droite au début de le rue du Lac très prisée ces jours par les touristes de partout), à laquelle j’ai d’abord dit mon peu d’empressement de lire les livres de la rentrée, assez occupé que je suis ces jours à (re)lire l’intégrale de la Recherche du temps perdu à raison de dix pages par jours, et cinq ou sept autres livres de la pile de cinq ou sept cents qui attendent.
    Du moins lui ai-je acheté, par curiosité, le roman écrit à dix-huits mains par les kids de l’AJAR, sous le beau titre de Vivre près des tilleuls ; le dernier recueil de textes d’Erri De Luca intitulé Le plus et le moins, deux récits de l’écrivain-voyageur Richard Kapuscinski (Il n’y aura pas de paradis et Le Christ à la carabine) et un roman islandais que m’a recommandé un vieil ami de Facebook, le tout jeune Maveric (moins de 20 ans), D’ailleurs les poissons n’ont pas de pieds, signé Jón Kalman Stefánnson.

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    Or au moment où j’allais payer cette (bonne) pioche, France Rossier me dit « attendez voir ! », et la voici se diriger vers le rayon des poches d’où elle revient avec cette Mort d’un père de Knausgaard qu’elle tenait à m’offrir gracieusement, me promettant la lecture d’une autobiographie tellement hors du commun, voire invraisemblable, qu’on pouvait subodorer une affabulation, mais enfin j’en jugerais, en tout cas si ce n’était pas Proust ça y faisait penser parfois.


    Et de fait, deux quarts d’heure plus tard, attablé devant une Suze sur la terrasse du café du Signal (à gauche en montant la route qui conduit au Vallon de Villard par les Bains de l’Alliaz, dont le patron est top sympa), je trouvai, dans les premières pages de La mort d’un père, consacrée à notre façon de planquer les morts sous des draps (au bord de la route en cas d’accident de voiture, ou à la morgue) et d’en évacuer la réalité physique sous terre, etc., puis dans les pages qu’il consacre à l’immuabilité des yeux dans un visage (on vérifie au selfie ou sur les derniers portraits de Rembrandt), ou encore à la redoutable réalité que représentent les soins d’une enfant en bas âge et les vacations ménagères d’un père moderne, au détriment de sa passion d’écrire, quelque chose d’effectivement proustien chez cet écrivain qui confesse d’ailleurs avoir « bu la Recherche du temps perdu » et dont un thème de la réflexion narrative porte immédiatement sur notre situation dans le Temps…

  • Découverte de Knausgaard

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    Pour tout dire (1)
     
    À propos de la (folle) démarche autobiographique de l’écrivain norvégien Karl Ove Knausgaard. De l’absolu inatteignable du TOUT DIRE, avec ses modulations décentes ou scandaleuses, dans la filiation de Proust. En lisant La mort d’un père, premier volet d'une trilogie comptant actuellement plus de 1700 pages...
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    À La Désirade, ce samedi 20 août 2016. – Il m’est arrivé hier quelque chose que je n’imaginais pas avant-hier, consistant à découvrir un livre d’un écrivain norvégien quadra qui pourrait être mon fils par l’âge, comme je pourrais être le petit-fils de Marcel Proust si la Providence en avait eu la fantaisie, et dont la démarche autobiographique visant l’inatteignable absolu du TOUT DIRE, à la fois courageuse et vouée au scandale, recoupe celle des carnets que je tiens depuis la fin des années 60 - où, précisément, cet auteur du nom de Karl Ove Knausgaard a vu le jour -, dont j’ai publié plus de 2000 pages sur lesquelles seules 500 pages, dans le volume intitulé L’Ambassade du papillon, traduisent cette aspiration au TOUT DIRE puisque je n’y ai fait aucune retouche en dépit de coupes nécessitées par le format du livre, entre autres pages jugées impubliables par l’éditeur...
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    Or Knausgaard a poussé le bouchon bien au-delà de ce qu’on pourrait dire la ligne rouge de la pudeur ou de la protection de son entourage, et d’emblée la lecture de La Mort d’un père m’a saisi et passionné, mais à la fois conforté dans mon actuelle position de réserve personnelle qui aurait dû m’interdire, en principe, de blesser des personnes vivantes en les nommant dans un livre publié - ce que j’ai pourtant fait dans L’Ambassade du papillon...
    Ce qui m’intéresse alors dans le cas de Knausgaard, dont la démarche est aussi radicale et peut-être détestable (lui-même dit détester ce qu’il écrit et regretter de se comporter en « tueur ») que littéraire, c’est précisément que son apparence « brute de décoffrage » va bel et bien de pair avec une démarche littéraire de type proustien transposée dans notre époque de langage avarié et d’indiscrétion généraliseée, avec une vivacité narrative, une limpidité et une originalité dans les variations de focale de son observation qui relève de la littérature considérée comme une sorte de journal de bord de l’humanité, ainsi que la définissait John Cowper Powys.
    C’est à cause de Proust que j’ai découvert hier Knausgaard, ou plutôt grâce à une libraire à laquelle j’ai d’abord dit mon peu d’empressement de lire les livres de la rentrée, assez occupé que je suis ces jours à (re)lire l’intégrale de la Recherche du temps perdu à raison de dix pages par jours, et qui alors
    se dirigea vers le rayon des poches d’où elle revint avec cette Mort d’un père de Knausgaard qu’elle tenait à m’offrir gracieusement, me promettant la lecture d’une autobiographie tellement hors du commun, voire invraisemblable, qu’on pouvait subodorer une affabulation, mais enfin j’en jugerais, en tout cas si ce n’était pas Proust ça y faisait penser parfois...
    Et de fait, deux quarts d’heure plus tard, je trouvai, dans les premières pages de La mort d’un père, consacrée à notre façon de planquer les morts sous des draps (au bord de la route en cas d’accident de voiture, ou à la morgue) et d’en évacuer la réalité physique sous terre, etc., puis dans les pages qu’il consacre à l’immuabilité des yeux dans un visage (on vérifie au selfie ou sur les derniers portraits de Rembrandt), ou encore à la redoutable réalité que représentent les soins d’un enfant en bas âge et les vacations ménagères d’un père moderne, au détriment de sa passion d’écrire, quelque chose d’effectivement proustien chez cet écrivain qui confesse d’ailleurs avoir « bu la Recherche du temps perdu » et dont un thème de la réflexion narrative porte immédiatement sur notre situation dans le Temps…
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  • Le Monde d'avant selon Roland Jaccard

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      Unknown-3.jpegJournal de 1983 à 1988.
     
    Sur plus de 800 pages qui se lisent comme un feuilleton au jour le jour, l’Austro-Lausannois de Paris égrène ses plaisirs et ses peines des années 1983 à 1988, dans les coulisses de son journal Le Monde, dont il égratigne passablement le conformisme intellectuel et divers personnages, auprès d’une jeune L. étudiante au nom d’écrivain désormais reconnu, entre la piscine Deligny où il retrouve un certain Gabriel Matzneff - et moult autres rencontres, lectures, passions cinématographiques et réflexions échangées avec Cioran son mentor. Bavardage parisien que tout ça? Bien plus: un vivant témoignage d’écrivain et surtout: un ton, une voix, un style. Journal de lecture…
     
    Montreux-Jazz, ce dimanche 18 avril.- La froidure limpide de ces soirées de printemps est un enchantement de bonne vie le long du quai aux fleurs où toute une jeunesse afflue en fin de semaine, et passant tout à l’heure près de la table de ping-pong jouxtant l’auberge de jeunesse, à deux pas des eaux du lac orangées où se détachaient les silhouettes de deux kids amoureux, j’ai souri en pensant au prétendu nihilisme de Roland dans son soft goulag du palace, et je me suis rappelé la goût de Cioran pour le chocolat…
    À la veille de notre dernière revoyure dans le salon d’accueil du Lausanne-Palace, le 9 mars dernier, Roland Jaccard avait confirmé notre rencard par Messenger en m’annonçant un cadeau, non sans ajouter qu’il pourrait être embarrassant pour moi, et tout de suite je lui ai répondu que si son cadeau-surprise consistait à se suicider en ma présence, je déclinais poliment. Sur quoi, nous étant retrouvés sans masques dans le palace désert, après que je l’eus interrogé sur le cadeau en question, voilà qu’il me répond: c’est un chien. Jaccard allait me fourguer un chien, sûrement dans l’intention de se suicider dans la foulée! Donc je me récrie: pas question! Mais lui: attends! Et de me laisser là tout expectatif pendant qu’il va chercher «le cadeau» dans sa modeste suite à 800 balles la nuit, puis de revenir, non pas avec le doberman ou le caniche redouté, mais avec ce pavé sans collier: Le Monde d’avant!
    Mais quoi d’embarrassant dans ce cadeau, à part son volume et son poids? Que je me sente obligé de le lire et de lui dire ce que j’en pense et d’en écrire? Hélas Roland le sait: que j’ai toujours apprécié ses journaux, quoique ressentant les choses tout autrement que lui, et que jamais je ne me suis senti contraint de le flatter pas plus qu’il ne m’a fait jusque-là de cadeau empoisonné. Or je lui avais dit combien son Journal d’un homme perdu m’avait touché et intéressé, et voici qu’il m’apprend que ce nouveau volume porte sur les années précédant sa rupture d’avec Gabriel Matzneff et l’effondrement des bains Deligny où, soit dit en passant, je me suis juré de ne jamais mettre les pieds, moi qui ne jure que par les pataugeoires populaires de Pontoise ou de la Butte-aux-Cailles…
    Enfin voilà que le journal Libération, ces derniers jours, consacre deux pleines pages au Monde d’avant, alors qu’il est de notoriété publique que les journaux d’écrivains n’intéressent personne. Phénomène juste parisien alors, au motif que Jaccard égratigne Le Monde dont il fut le mercenaire pendant des années, et s’attarde ici et là à ses rencontres avec «Gabriel» et ses jouvencelles, dont une certaine Vanesssa, autant dire: papotage mondain? Oh que non! Pas que! Et moi qui n’ai guère apprécié le délayage des derniers journaux de Gabriel Matzneff, précisément, dont le ressassement complaisant de ses menées privées et la vanité narcissique me sont devenus insupportables, j’ai trouvé, au contraire, un intérêt presque constant à la lecture de cette somme que je situe dans la filiation des meilleurs «journaliers» à la Léautaud ou à la Jouhandeau, avec un ton particulier, cynique et tendre à la fois, plus original encore à mes yeux que l’excellent journal de Matthieu Galey...
     
    Ce lundi 19 avril, matin. – Comme tous les matins à l’éveil, avant de bricoler mes contrerimes réglementaires sur mon smartphone, je raconte à Lady L. les derniers épisodes, vus cette nuit, de l’étonnante série coréenne «médicale» traitant d’euthanasie et de la maladie-sans-douleurs dont souffre secrètement le protagoniste lui-même (ce Yo-an accusé d’avoir administré une dose létale illégale à un patient violeur d’enfants), je pense aux curiosités sans préjugés de Roland pour l’univers asiatique que je suis en train d’explorer sur le tard – c’est lui qui m’a fait découvrir le jeune poète japonais Ishigawa Takuboku - et plus précisément l’expression de l’intime que modulent les Coréens dans leur cinéma et leurs séries télévisées. Y a-t-il un Amiel dans la littérature coréenne d’aujourd’hui? Voilà la question que je pourrais poser au professeur Kim Jin-ha auquel j’ai écrit hier pour qu’il me fasse connaître le tout-Séoul littéraire et universitaire…
    Quant au Monde d’avant de notre ami Roland, il me fait revenir à la spécificité du journal, intime ou extime - comme l’a appelé Michel Tournier -, dont la pratique n’a plus rien de sa présumée innocence à l’ère d’Internet.
    De fait, l’extension prodigieuse du domaine de l’indiscrétion, dont procède évidemment l’étiolement de toute intimité, font que le «pacte» initial du journal intime s’est aujourd’hui complètement modifié. En modèle du genre, le Journal intime d’Amiel, qui ne voyait parfois en celui-ci qu’un produit moite d’onanisme intellectuel, et qu’il avait demandé à ses proches de jeter au feu, représente douze volumes de plus de 1000 pages chacun, que personne probablement n’a lu de A à Z, même pas Roland Jaccard qui en a été un défenseur passionné. Mais d’Amiel aux «montages» de Max Frisch, de ceux-ci aux carnets du cinéaste japonais Ozu ou à ceux d’Andy Warhol, du journal «privé» longtemps censuré de Julien Green aux 583 nouvelles pages du Monde d’avant, comment ne pas voir que le genre a éclaté et avec lui la délimitation des faits «réels» et de la fiction?
    Soir.- Revenant tout à l’heure de la FNAC où je suis tombé sur un pavé tout neuf d’un certain Kim Un-su, intitulé Sang chaud et dont le bandeau annonce «La Corée, nouveau pays du polar», je me dis que, décidément, je refuse de me cantonner dans le «monde d’avant» à la Roland Jaccard, même si j’en ai fait partie et que mon futur incertain en sera pavé au fil du plus-que-présent à venir, mais j’ai été passeur et le resterai tout en me plaisant à détailler les notes que j’ai prises, parallèlement à ma relecture de Balzac, à celle du journal de Roland dont l’exergue annonce la couleur sous la plume du Goethe de Poésie et Vérité: «Seul l’individuel nous plaît; d’où notre goût pour toutes les révélations personnelles, lettres et anecdotes, même concernant des gens sans importance. Il est parfaitement oiseux de se demander s’il convient d’écrire son autobiographie. Je considère celui qui le fait comme le plus courtois des hommes. S’il communique sa propre expérience, peu importent les motifs qui l’y incitent»...
    Et mes notes sur l’année 1983 de fixer déjà mille détails, piques ou aphorismes à la Jules Renard, citations, esquisses de portraits, notes sur tel film (Pandora pour commencer) ou telle lecture partagée avec L. (Linda Lê qui lui lit À l’ombre des jeunes filles en fleur à haute voix), pas un jour sans une ligne…
     
    Ce mardi 20 avril. - Ce qu’on appelle journal, intime ou débridé de tout secret, n’est-il que la consolation livide de tant de romanciers ratés, comme le pensent tant de romanciers qui se croient arrivés? L’alternative n'est évidemment qu’un leurre de plus, quand ce qu’on attend reste l’étonnement voire l’enchantement tenant aux mêmes sortes de petits riens dont l’écrivain en «musicien» fait un peu tout, dans quelque genre que ce soit.
    Julien Green l’écrit le 15 juillet 1956 de sa main appliquée, après s’être branlé ou avoir sucé Robert, à moins qu'ils ne viennent tous deux de se partager Jonas le jeune Allemand: «Le secret, c’est d’écrire n’importe quoi, c’est d’oser écrire n’importe quoi, parce que lorsqu’on écrit n’importe quoi, on commence à dire les choses les plus importantes».
    Ce qui ne signifie pas, cela va sans dire, que Julien Green, plus que Roland Jaccard se contente du n’importe quoi très en cour de nos jours. Au contraire ils prennent très au sérieux le fait d’être écrivain, et même: qu'on le considère comme un écrivain est à peu près la seule chose qui importe à Roland; et qu’on ne doute pas de l’authenticité de son journal écrit d’un jet et publié sans ratures.
    Donc Roland a mal aux dents, il se rend lundi dans un dispensaire dévolu aux contrôles vénériens et mardi soir il passe à Apostrophes ou chez Michel Polac dont ses amis lui diront merveille ou pis que pendre, il téléphone à Cioran mercredi qui l'impressionne toujours par ses saillies inattendues, et jeudi il se plaint de ses amis Contat et Ben Jelloun dont l’arrivisme social l’énerve même s'il envie leur «avancées», il reproche vendredi au socialisme de Mitterrand d’être le parti de l'envie alors que lui-même dérive de la gauche peu militante à la droite prudente, il revoit samedi un film de Douglas Sirk avec le même bonheur qu’il partage avec L. qu’il n’épousera pas pour autant, en connivence pleinement partagée pendant cinq ou six ans après quoi l’élan faiblira comme aura foiré la passion de cet enfoiré de Gabriel pour cette cinglée de Vanessa, enfin le dimanche après-midi le verra rédiger une belle page consacrée au philosophe russe Léon Chestov, l’un de mes penseurs préférés avec Vassily Rozanov, etc.
    Soir, au jardin japonais de Burier. – La conception occidentale de l’individu, à laquelle Goethe fait allusion dans le fragment de Poésie et vérité cité en exergue du Monde d’avant, ne serait pas ce qu’elle est sans les Grecs et sans le premier écrivain de la chrétienté que fut l’apôtre Paul, fondateur à cet égard avant le premier «diariste» explicite qu’est Augustin d’Hippone, et j’y repense en assistant à l’envol d’un héron cendré au-dessus de l’étang que franchit un petit pont de bois à la japonaise, me rappelant ce que nous disait, ce midi, notre ami M. au repas que nous avons partagé avec nos chères et tendres, rapport aux multitudes chinoises et à notre méconnaissance de la planète asiatique.
    «Et moi? Et moi? Et moi?», chantait Antoine en nos années bohèmes, et c’est aujourd’hui l’obsession des internautes, dont certains publient d’ailleurs leur «cher journal» comme l’inepte déballage d’une Anna Todd, vendu à des millions d’exemplaires.
    Mais là encore je pense que la littérature est «transgenre» et ce qui compte, dans le journal de Roland Jaccard comme dans celui de Klaus Mann ou de Virginia Woolf, de Léon Tolstoï (qui admirait Amiel) ou d’Hervé Guibert, de l’Italien Cesare Pavese ou du poignant Journal d’un homme déçu de Barbellion, c’est la voix particulière de la personne et son rapport «physique» au langage plus que la posture du personnage.
    À cet égard, les manières de dandy pseudo-désespéré de l’ami Roland, se la jouant cynique alors que le taraudent ses angoisses nocturnes, sa conscience professionnelle de chroniqueur et le souci quasi paternel de coacher sa jeune amante candidate au concours d’une haute école, relèvent d’une esthétique à cosmétique rétro (son culte de Louise Brooks et de John Wayne, d’Egon Schiele ou du génial Otto Weininger cumulant les traits contradictoires du juif antisémite et de l’inverti homophobe…) pas pire que celle d’un Charles Bukowski cultivant sa dégaine de clodo pourri dégueulasse en Léautaud ricain…
     
    Ce mercredi 21 avril.Le Monde d’avant de Roland Jaccard est aussi encombrant, avec ses 843 pages et ses 900 grammes de papier imprimé, qu’un chien de garde autrichien (la mère de l’auteur était Viennoise), impossible à glisser dans la poche revolver d’une nymphette…
    Stendhal disait qu’un roman est un miroir qu’on promène le long de son propre chemin, et Proust que chaque (bon) lecteur recrée le livre qu’il est en train de lire. Or je (re)découvre, en lisant Le Monde d’avant, tout ce que j’aime, que Jaccard dédaigne ou décrie de bonne ou de mauvaise foi: l’amour des enfants qu’il vomit et l’agrément des chemins de campagne qu’il évite, la vie de famille qu’il hait et qui m’amuse, mon désintérêt total pour le ping-pong et les échecs qu’il pratique en maniaque compulsif, enfin tout ce qui fait qu’il est lui et que j’en suis un autre.
    Un écrivain est-il plus lui-même dans son «cher journal» que dans un roman? Je ne suis pas sûr que notre ami Roland le pense, ni ne suis sûr du contraire. Mais le fait est que pas mal de romanciers (un Stendhal justement, un Tolstoï ou un Gide) en disent autant ou plus sur eux-mêmes dans leurs romans que dans leurs écrits intimes, alors que le nombrilisme d’Amiel touche à l’universel humain.
    Conclusion de ce matin nuageux à couvert: Le «monde d’avant» est une fiction autant que nos spéculations sur le temps à venir, et maintenant? Maintenant faut pas que j’oublie mes 12 médics de cardiopathe en rémission de cancer et un peu vacillant entre deux doses de Pfizer, comme Lady L. vient de se tirer avec le chien pour sa consulte à elle, ensuite on aura la visite des deux petits lascars de notre seconde fille qui ont l’air décidés à s’amuser encore quelque temps sur cette planète, mais ça c’est le monde d’après et gaffe de ne pas tirer l’échelle…
    (Cette chronique a paru à l'enseigne du média indocile Bon Pour La Tête)

  • Le Temps accordé

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    (Lectures du monde, 2021)
     
    À LA PÊCHE. – Sans en attendre rien «au fond», car tout «retour» m’indiffère désormais dans les grandes largeurs faute de véritable interlocuteur (Dimitri, Christian Bourgois, Maurice Nadeau, Jérôme Lindon, Gérard Bourgadier, Dominique de Roux et mon cher Pierre-Guillaume, Bernard de Fallois, tous les éditeurs selon ma tripe ou mon âme sont morts…), j’ai envoyé ces jours, à vingt éditeurs «de francophonie et environs», un triptyque documentaire personnel contenant ma bio résumée, une liste de la vingtaine de livres que j’ai publiés et un inventaire des dix ouvrages prêts à l’édition ou en cours de composition qui m’occupent ces temps, avec la proposition à chacune et chacun de me signifier son éventuel intérêt. L’expérience aura valeur pour moi de test. Qui prendra seulement la peine de me répondre ? Ce dont je suis sûr, et qui fait tout mon plaisir, est qu’il me reste quatre livres à parachever si possible, de mon vivant, et ensuite bonsoir: au bon cœur et plaisir éventuel de nos filles et de nos petits-fils…
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    Firme JLK – Inventaire des écrits d’ores et déjà publiables ou en voie de l’être.
     
    1. Czapski le juste. Essai sur le peintre et écrivain polonais. Achevé. 150p. Copie papier ou numérique disponible.
    2. Mémoire vive. Carnets 2013-2019. Lectures du monde VI, Environ 350 pages. Achevé. Index éventuel à ajouter. Copie papier ou numérique disponible.
     
    3. Le Temps accordé. Carnets 2019-2021. En travail.
     
    4. Prends garde à la douceur. Suite méditative et poétique en trois parties : Pensées de l’aube, Pensées en chemin et Pensées du soir. En voie de finition. Environ 150 pages.
     
    5. Le rêveur solidaire. Sélection de chroniques 2017-2021. À formater et à réviser.
     
    6. Le Grand Tour. Carnets de voyage sur une cinquantaine d’années, en Italie, à Paris, en Europe, en Tunisie, aux Etats-Unis, au Japon, au Congo, en Suisse. 250 pages. Achevé. Copie papier ou numérique disponible.
     
    7. La chambre de l’enfant. Poèmes. Achevé. 75 pages.
     
    8. Le chemin sur la mer. Poèmes. Achevé. 100 pages.
     
    9. Les Tours d’illusion. Roman panoptique. Pendant du Viol de l’ange. En voie de finition. Environ 300 pages.
    10. Panopticon. Listes et morceaux. En chantier.
     
    TURN IT UP. – En attendant Lady L. qui subit sa énième prise de sang de contrôle avant de descendre au sixième dessous du Service d’oncologie pour subir sa perfusion hebdomadaire au Paclitaxel, je prends des nouvelles, sur un tabloïd traînant par là, du rappeur américain Oliver Tree «passé aux Russes» pour y réaliser son prochain clip alors que son dernier tube, Turn it Up, commence «à grimper en flèche dans les charts», ce qui n’est guère étonnant puisque Oliver l’a conçu avec le « déjanté » groupe russe de punk-pop-rave Little Big et le soutien du rappeur-designer estonien Tommy Cash.
    «Je suis devenu comme un prince russe », déclare Oliver Tree désormais installé à Moscou où il s’apprête à lancer Cowboy Tears qu’il qualifie de «plus grand opus » de sa vie », etc.
    Que l’Amérique et la Russie fusionnent en nos lendemains qui chantent à l’enseigne du punk-pop-rave ne me paraît pas moins fou que les circonstances sanitaires que nous vivons, mais nous le prenons en souriant.
    Tout à l’heure j’ai dû produire mon passe numérisé et ma carte d’identité à l’entrée de l’hosto, et ensuite répéter la procédure à la cafétéria d’une façon qui m’a semblé aberrante, et cela m’exaspère mais je n’ai que le Système à vitupérer, personne n’y est pour rien et je n’en pense pas moins sans pointer aucun complot particulier puisque celui-ci est généralisé depuis longtemps et pour longtemps encore sans doute, notamment à l’enseigne du capitalisme monopolistique en vigueur à Wall Street autant qu’à Singapour, Moscou et Pékin, «objectivement» nous sommes pris au piège d’une façon plus globale et de cela nous commençons à peine de nous aviser -, et les illusions idéologiques ou les mesures politico-sanitaires n’y changeront rien – donc je souris à l’imbécillité apparente de tout ça et ne me soucie que de faire bien ceci et cela dans notre microcoms humaniste en attendant de rejoindre ma bonne amie au sixième dessous à la fin de ses putains de soins. (Au CHUV, ce jeudi 16 septembre)
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    CARACO. – J’ai beaucoup lu (et relu) ces jours les écrits de Caraco, ayant récupéré à L’Âge d’Homme ses archives personnelles et quelques inédits majeurs dont le Journal de l’emmuré, remontant aux années 1959-60 et dont la sombre litanie obsessionnelle, quasi paranoïaque, alterne avec des vues saisissantes de lucidité en matière d’histoire et de politique, qui font de lui une espèce de Voltaire contemporain proche des gnostiques, plus encore prophète que philosophe, furieux ennemi des chrétiens après avoir été catholique ardent, connaissant Joseph de Maistre et Pascal par cœur et s’opposant à eux en affirmant que, Français de souche, il eût été reconnu et placé plus haut que Cioran.
    Ainsi écrit-il au début de 1959 : « Vivrai-je assez de temps pour être le premier, le premier écrivain de ce pays ? Je me sens tel, l’estime des Français me laisse indifférent et s’ils l’accordent à des imposteurs, je n’irai pas les détromper et ne me mêlerai de leurs amours, les pauvres gens ne sont pas difficiles, n’importe quoi les ravit en extase. L’Eglise fera de la France une autre Espagne, ce peuple a résolu de s’abêtir, jamais il n’aura mieux déçu les rares amis qui lui restent et jamais sa frivolité ne lui joua de tour plus ruineux : il s’est coupé de l’avenir et s’il ne se retrouve, il sera bientôt dans les oubliettes. L’Église est un cancer, il ne s’agit plus de la mépriser, mais d’extirper un mal dont le mépris ne vient à bout et que la tolérance achèvera par fomenter », etc.
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    Albert Caraco vitupère la foi de Pascal après avoir placé les Provinciales au sommet de la littérature française du XVIIe siècle, il voit en Sade un génie presque à son goût pour sa célébration de la Raison, et en Rimbaud et Bernanos des «pornographes», Mauriac est à ses yeux un nain grêle, il vomit Maurras et Barrès mais Proust trouve grâce à ses yeux au titre du mysticisme juif, il ne comprend visiblement rien à la peinture ni à la musique qui ne soient «classiques», Rouault et Messiaen lui semblent d’un art inférieur – entre autres énormités selon mon goût à moi.
    Bref, c’est un bel exercice de discernement que la lecture de Caraco, génial et génialement difforme «à l’espagnole», absolument irrecevable aujourd’hui pour ses théories sur l’organisation raciste de l’espèce à venir et la manière violente qu’il préconise contre la surpopulation de la planète, les injures qu’il fait au Chrétien, au Noir, au Musulman ou à la Femme, entre autres rebuts de la «masse de perdition», et son délire prophétique évoquant le rôle providentiel à venir des Juifs me semble tourner à vide alors même qu’il ne cesse de prôner de prôner l’Ordre et la Mesure, cependant l’œuvre reste extraordinaire et rien que Post mortem, en manière noire, ou l’Abécédaire de Martin-Bâton, par manière de résumé de sa pensée, font de lui un prince de notre langue comme il n’y en a pas un à l’heure qu’il est…
    LETTRE AU MARQUIS. – « Cher Gérard, Merci pour vos messages divers, toujours aussi amicalement illisibles. Du moins suis-je arrivé à déchiffrer le nom de Valery Larbaud dans le dernier, et ce que vous nous dites de gentil, enfin je vous répète que vos poèmes dédiés au petit garçon ont la grâce d’Ariel.
    Je vous écris d’une terrasse du bord du Haut-Lac où s’achève ma balade quotidienne avec mon escort dog, friand lui aussi d’antipasti. Mon seul regret est de n’y être que nous deux, sans notre chère malade, qui s’est choisi avant-hier matin une perruque d’apparat au salon de coiffure de l’hôpital. Ainsi ne ressemblera-t-elle plus à un bonze tibétain ou au vieil Henri Miller à Big Sur, pour retrouver sa coupe garçonne à la Louise Brooks blonde de madone rhénane - ainsi que la qualifiait le peintre Omcikous quand il a réalisé notre double portrait à l’impasse des Philosophes.
    Nous en sommes à la dixième perfusion de poison homéopathique, et l’examen par scan tomodensitométrique est relativement rassurant, puisque la Bête semble tenue en respect, ni plus ni moins. Bref nous survivons assez sereinement avec l’encouragement discret mais quotidien de nos filles et de leurs deux jules très estimables en dépit de leur pilosité faciale excessive, de quelques amis via Whatsapp (vous ne savez pas de quoi il s’agit, mais c sans importance) ou en 3D si « ça se trouve »...
    J’ai lu ces jours pas mal de Caraco, ayant récupéré ses archives pour en transmettre une partie à un jeune hidalgo prof de lettres lancé dans une première biographie de l’énergumène en langue espagnole, et en même temps que je lisais le Journal d’un emmuré, longtemps annoncé mais toujours inédit, je suis arrivé au bout de ma troisième lecture d’Illusions perdues, ce matin dans la scène inouïe de la rencontre de Lucien de Rubempré tout décidé à se suicider, comme un Roland Jaccard las de jouer au ping-pong, et du démoniaque abbé Herrera dont l’effarante leçon de cynisme équivaut à un dépucelage « on the road », ou plus précisément au déniaisage définitif du poète se la jouant désespéré alors qu’il n’est en somme qu’un adorable et vil arriviste...
    Après la lettre de Daniel d’Arthez sur la frivolité française, le programme de conquête du succès que le pseudo-chanoine (sous l’habit duquel on repère les couilles de Vautrin en qui j’identifie à la fois le double noir de Balzac et la préfiguration d’un certain Charlus) propose à Lucien rejoint en somme, par défaut, le tableau apocalyptique brossé par Caraco des mœurs actuelles du monde littéraire et médiatique, entre autres scènes de la recherche du Pouvoir, sacrifiant tout à l’Effet et au Succès.
    À cela nous avons assez miraculeusement échappé, vous et moi, au milieu de nos bibliothèques à dédales, également mélancoliques et gentils (ou faisant semblant de l’être par politesse ou simple paresse, histoire qu’on nous foute la paix), et nous voici comme deux vieux anges en savates, tous deux attentifs à la beauté des animaux et des enfants, mais bordel quand nous revoyons-nous ? Faites-moi donc signe espèce de vilain satrape»…

  • Adieu Roland, je t'aimais bien...

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    Notre ami Roland Jaccard a mis fin à ses jours, comme il se le promettait et nous répétait qu'il le ferait à la fin de la belle saison, la fiole fatale toute prête à sa portée. Permission de le pleurer, comme il le faisait au cinéma quand les larmes ne se voyaient pas dans le noir...
     
    Hier encore, je lui reprochais gentiment sa légèreté et son inconséquence, quand il se disait aussi résolu à en finir avec ce qu'il estimait un affreux monde, à l'instar d'un Albert Caraco, suicidé à l'âge de 52 ans, dont il admirait les écrits autant que ceux de son ami Cioran. Et voilà : Roland a voulu et réussi sa mort, à l'imitation de ses parents.
    Comme il l'exprime à merveille dans son dernier livre paru, On ne se remet jamais d'une enfance heureuse, le monde actuel ne lui plaisait plus. Son monumental journal, faisant écho aux mémoires de Stefan Zweig, autre grande admiration de notre austro-Vaudois, s'intitulait d'ailleurs Le monde d'avant, paru au début de l'année. Matière et style: tout Jaccard est là. L'agréable commensal n'est plus: ses écrits restent.
    Si j'avais été en meilleure santé, je l'eusse rejoint ces jours prochains au Lausanne-Palace le jour de ses 80 ans, pour lui offrir du chocolat et renouveler sa dotation de Stilnox. Hélas...
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    Roland Jaccard au Lausanne-Palace: ce sera son dernier mythe, dont j'ai éventé un aspect secret dans un journal japonais, à savoir que le séjour à demeure de l'écrivain dans cette auberge de grand luxe était financé par les "casses" auxquels il participait l'hiver, sur la Côte d'Azur, en compagnie d'un autre de ses amis de chez Yushi, le redoutable Alain Caillol, malfrat revenu de longues années de prison après l'enlèvement du baron Empain, devenu docteur en lettres, spécialiste de George Sand et n'aimant rien tant, en ancien marxiste compagnon de Mesrine, que de braquer les villas de la haute bourgeoisie de gauche en compagnie de Roland le passe-muraille...
    Il me semblait que Roland Jaccard et moi n’étions pas, à la ménagerie des lettres de la même espèce: lui maigre et sec, se la jouant cynique voire nihiliste, moi plus tendre et sensible; lui très proche de Cioran et de Matzneff, moi contemplatif et poreux, me réclamant plutôt de l'apollinien Cingria et du bon docteur Tchekhov. Cependant nous partagions le goût des journaux d'écrivains (Amiel, Léautaud, Barbellion, Benjamin Constant)et des solipsistes géniaux de la pensée et de la littérature, de Weininger qu'il avait préfacé à Caraco dont il disait partager le combat...
    J'avais rencontré Roland Jaccard à la fin des années 60 du "monde d'avant", quand il publia Un jeune homme triste à L’Âge d’Homme, avant de tâter des gaîtés parisiennes et de publier un best-seller psy intitulé L'exil intérieur. Des années durant, il m'avait envoyé ses livres dédicacés, dont je parlais parfois. Puis, début 2019, il me transmit un entretien sur Youtube où il parlait de cinéma avec une casquette chinoise et un blouson américain, en un lieu où j’ai reconnu le bureau de Dominique de Roux; je lui ai offert deux volumes de mes carnets qu’il m’a dit apprécier; nous nous sommes retrouvés au restau japonais Chez Yushi, rue des Ciseaux, dans le VIe arrondissement de Paris, où il a une chaise à son nom comme un metteur en scène, et tout de suite le courant a passé: je me suis avec lui senti libre de pensée et de parole comme avec presque personne.
    La dernière fois que j'ai vu Roland en 3 D, il m'avait invité au Lausanne-Palace pour m'y remettre un cadeau. Lorsque j'arrivai, il me dit qu'il allait me laisser son chien en souvenir avant de mettre fin à ses jours, puis il disparut. J'ignorais qu'il avait un chien sous le manteau, mais moi j'en avais un, brave et fort jaloux de notre affection exclusive. D'abord effrayé à cette perspective, je fus rassuré de voir Roland revenir de sa suite avec Le Monde d'avant, trop volumineux pour être emmené avec mon chien dans nos balades, mais qui n'en porte pas moins la rituelle dédicace d'Amitié fidèle...
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