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  • À l'aube revenue

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    (Après un premier téléphone...)
     
    Nous retournerons au jardin:
    nous aimons les lointains
    que déroulent sur les plafonds
    certaines projections
    où comme les écailles aux yeux
    soudain relevées
    se voient les vagues mouvements
    des mouvantes batailles
    d’ombres montées des avenues
    ou comme des lumières
    éclairant nos berlues...
     
    Jadis on se fiait au ciel,
    interrogeant tantôt
    le foie d’un mouton innocent
    ou le vol des oiseaux;
    on était naturellement
    à l’écoute du Temps
    et des divers dieux capricieux:
    la Grande Ourse a porté les noms
    qu’on lui aura donné
    dans les continents séparés,
    le Grand Chariot passait
    devant le cercueil des pleureuses,
    et délivrée de ses douleurs
    la Terre se dit heureuse
    à la naissance de l’enfant...
     
    Ta joie de ce matin rayonne,
    tu ne sais pas pourquoi:
    ton âme douce au corps frissonne
    à l’idée de partir
    demain jusques à Babylone,
    tout au bout du jardin
    d’où l’on a vue sur les étoiles -
    et tout le baratin...

  • Contre tout désespoir

     
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    «Qu’importe ma vie ! Je veux seulement qu’elle reste jusqu’à bout fidèle à l’enfant que je fus». (Bernanos)
     
    Le désespoir n’est qu’un moment
    que notre âme récuse
    dans ce très obscur mouvement
    de l’enfant innocent
    qui pressent de science infuse
    qu’une force en nous se refuse
    à la négation pure
    quand la vie est impureté...
     
    L’âme, la vie, et quoi encore
    à brandir ? Sémaphores !
    Conception obsolètes !
    ricanent les intelligents -
    montrez moi donc une âme...
     
    Mais toi qui bois à l’eau de source
    et ne sais de tout ça
    que le savoir de ta faiblesse,
    tu découvres à tes larmes
    comme un goût de ressource
    en ton âme que la vie blesse ...
     
    Et que nous importent les mots
    qui ne soient de ce sceau
    marqués dans notre vive chair
    par le feu et le fer,
    et quelle enfantine lumière...
     
    Peinture: Marie-Hélène Fehr-Clément.

  • L'angoisse, c'est pour les autres...

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    (Page d'un journal)
     
    Ce jeudi 6 mai 2021, Jour J de la Bataille.- Réveillé ce matin à 4 heures, j’ai composé un poème évoquant la présence de nos chers défunts qui nous demandent de les écouter, comme Floristella me l’avait fait remarquer en constatant que Thierry, disparu depuis peu, lui reprochait de ne pas le faire alors qu’elle n’en finissait pas de lui parler…
     
    Prière de l’aube
     
    (A nos mères)
     
    Ils sont survivants parmi vous,
    ceux qui vous ont quittés,
    ils vous écoutent, semblant muets,
    mais laissez-les donc vous parler,
    ne les laissez pas seuls...
     
    Ta mère murmure en bord de mer:
    les murs l’impatientaient,
    et tous ces barbelés autour
    des cours de détention;
    libérez donc les prisonniers
    des viles intentions,
    libérez-nous Monsieur, là-haut
    qui vous prenez pour Dieu,
    et partout où vous êtes,
    et vos prophètes vrais ou faux -
    faites-vous donc plutôt poète,
    clamait-elle sur ses ergots...
     
    À toi la douceur insoumise,
    à nous la vive crainte:
    on ne sait jamais, au jardin,
    ce que sait le destin
    au pourtour des églises
    de vos élans et de vos plaintes -
    on reste désarmé...
     
    Mais ils sont là qui vous attendent,
    espérant votre accueil,
    comme des enfants sur le seuil
    au moment de l’offrande...
    .
     
     
    Quant à Lady L., après nos échanges un peu mélancoliques d'hier soir, nous nous sommes quittés tout à l’heure, juste avant 8 heures, la voix claire et sans un trémolo, en nous disant juste, justement : «À tout à l’heure... », avant que je n'ajoute un inhabituel « Dieu te garde » de ma voix un peu tremblante...
    Auparavant, je lui avais écrit que j’allais rester avec elle tout le jour en me livrant aux tâches domestiques les plus banales jusqu'au téléphone du Dr Niclaus auquel je me suis promis, quoi qu’il m’annonce, et même le pire, de le remercier pour ce qu’il aura fait, sachant qu’il aura tout fait pour la sauver…
    En attendant, je ne cesse de recevoir des témoignages d’amitié et de solidarité sur le réseau social dont j’apprécie, pour une fois, le lien qu’il permet de maintenir, et tout particulièrement en ces temps d’atomisation anonyme liée à la crise sanitaire.
    Passé à 10 heures à l’Atelier, après avoir émietté des croissants à la terrasse de la boulangerie, place de l’Hôtel de ville, à Vevey, au milieu des pigeons et des moineaux dont l'un picorait dans ma main sans se gêner, et maintenant, revenu à la maison bleue, j’écoute et réécoute le poignant Only a man de Jonny Lang en attendant d’apprendre l’issue de la bataille…
    Ah mais que j’aimerais sauter par dessus les heures et la tenir dans mes bras… L’attente dans ces conditions est une vraie torture…
    Le plus curieux, c’est que les tribulations accidentelles et la proximité de la mort ne m’ont jamais inquiété personnellement malgré deux chutes graves à moto et en montagne, cinq ou six opérations, le cancer, et un infarctus, alors que la mort de trois de mes amis proches m’a laissé effondré et que j'ai été marqué à vie, à vingt-cinq ans, par un séjour de quelque temps dans un pavillon de traumatologie, entouré de splendides jeunes gens plus ou moins fracassés et promis, pour certains, à la paralysie partielle ou complète, dont l’un passait ses journées à plat ventre et sans jamais se plaindre…
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    Il est presque 3 heures de l’après-midi, j’attends toujours des nouvelles de l’hôpital et voilà que, par hasard je lis dans le premier roman traduit du coréen que j’aurai jamais lu jusque-là et que je me suis procuré via Kindle, intitulé Je veux aller dans cette île et signé Lim Chul-woo, cette petit phrase lumineuse qui va se développer en métaphore pleine de sens et de poésie.
    La petite phrase est celle-ci : « À une époque nous avons tous été des étoiles » et ensuite : « Chacun d’entre nous brillait, avec une beauté, une clarté et une taille à sa mesure, quelque part dans le ciel crépusculaire, dans sa propre constellation, et en son seul nom, chacun, sans exception, a été une splendide étoile »...
    Et ensuite : « Mais nous ne sommes pas les seuls à avoir été des étoiles. Ceux qui sont venus vivre sur cette terre et l’ont quittée depuis longtemps, ceux qui naîtront dans un proche avenir ou bien les nombreux visages qui sont assis, roulant des yeux de tous côtés, attendant leur tour dans une gare d’un futur très lointain, tous sont aussi des étoiles ».
    Sur quoi l’auteur invite le lecteur à regarder le ciel, où qu’il soit, dans un fossé ou sur un toit, et de se concentrer sur telle ou telle étoile de son choix, qu’il verra se déplacer comme un petit poisson, puis il découvrira les bancs de poissons en mouvement et la mer nocturne dans laquelle vivent les étoiles, et de s’exclamer dans la foulée « ah, combien de nouvelles vies d’homme sont-elles en train de naître, continuellement, quelque part dans le monde, et ailleurs, encore, ah, combien de vies sont-elles en train de quitter la terre sans même laisser de trace ?»
    Et de conclure enfin ce Prologue poétique : « Grands ou petits, rayonnants ou ternes, laids ou jolis, carrés ou ronds, longs ou courts, peu importe, nous sommes tous ces mêmes étoiles qui sont descendues, qui sait quand, de cette très lointaine mer nocturne et qui viennent du même pays natal»…
    Je notes ces phrases en pensant à nos parents qui nous ont quittés et aux enfants qui nous sont venus. Je ne sais pas, à l’instant, si l’étoile de ma vie qu’à été Lady L. s’est éteinte dans le ciel pendant ma lecture ou si elle se réveillera après avoir été opérée du cœur, à tout instant le chirurgien qui s’est battu avec elle contre le Monstre pourrait interrompre ma lecture, mais celle-ci, mystérieusement, oriente tout à coup ce que nous sommes en train de vivre de façon nouvelle, sous la mer des étoiles ou les proportions de chacun retrouvent leur modeste mesure...
    Et de fait, à 15hh 38 m’arrive enfin la nouvelle tant attendue par la voix du Dr Niklaus, chirurgien au CHUV, qui m’apprend que l’opération s’est relativement bien déroulée, marquée au début par un arrêt du cœur vite contrôlé, qui a nécessité l’insertion d’un pacemaker après l’ablation da la tumeur et la reconstruction de l’oreillette, comme il nous l’avait décrit et sans les mauvaises surprises qu’il redoutait.
    Je lui demande de nombreuses précisions relatives à la suite des traitements oncologiques, mais en mon for intérieur je ne suis que reconnaissance immédiate, mon étoile n’a pas filé dans le ciel des vapes et je lui dis quelque chose comme Doc sei Dank vu que c’est un haut-Valaisan, etc.
    Jawohl: mein Liebling wird bis Sonntag auf der Intensiv Station bleiben, doch bin ich endlich so zufrieden, sie lebendig zu wissen, etc.
     

  • Veillée d'armes

     

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    (Aux veilleuses et veilleurs)

     

    Ne ramasse pas tes jouets:

    laisse-les s’amuser,

    ce n’est pas encore le moment

    de se montrer trop sage

    en donnant la main à l’orage...

     

    Regarde le firmament

    paisible au dessus des nuages

    où divers dieux non moins joueurs

    sourient à vos heures...

     

    Prends garde à la douceur des choses:

    elles aussi sont bénies

    dans l’aura parfumée des roses,

    au défi des douleurs...

     

    Tu tiendras d’autant mieux les rênes

    du petit attelage

    lancé demain contre l’orage,

    que de ta force douce

    tu auras su lui opposer

    ta vivante ressource...

  • Sans mots pour le dire

     
    (Aux enfants de tous âges et conditions)
     
    Vous resterez parfois sans voix
    devant trop de beauté
    ou trop de peine accumulée,
    malgré le peu de temps
    que vous aurez passé là-bas
    dans la blondeur des champs
    ou les tas de gravats...
    Vous aurez peut-être le temps
    de voir la vie , comme on dit,
    poussée, épanouie,
    pareille à une herbe ou un arbre,
    ou comme un champ de blé
    près des cités de marbre -
    ou vous seriez morts-nés...
    Mais il n’y aura que le chant
    qui puisse jamais dire
    ce que vous aurez éprouvé
    les yeux ouverts ou clos,
    ou que la musique légère
    ou plus grave des symphonies,
    les cantates ou les sonates,
    la comptine enfantine
    ou la divine incantation,
    le thrène déplorant
    ou l’exaltation volubile
    et rythmée à la danse
    et aux transes à jamais fertiles...
    Vous ne penserez pas, alors
    au poids mort de ces mots:
    JAMAIS, ou bien TOUJOURS -
    vous n’en aurez qu’à la mélodie
    qui aura eu cours,
    de ce qu’on dit là-bas sans bruit...

  • Un moment après l'autre

     
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    Ainsi les heures écoulées
    dans le temps imparti
    seront allées et revenues,
    et parfois échappées,
    perdues en toute déraison,
    disons: vilipendées...
     
    Et vous osez vous lamenter:
    hélas il faut quitter
    le bal ou l’on s’amusait tant
    alors que la baleine
    continue là-bas de chanter;
    et vous vous affligez
    au lieu de vivre ce moment ...
     
    Le philosophe dans les bois
    et son amie pianiste
    s’envoient là-bas des billets doux
    sans s’occuper des heures,
    et le nuage se partage
    entre deux humeurs artistes
    dans la clairière de l’orage
    où les mots s’abandonnent
    à la donne de la mélodie...
     
    De l’instant aux heures qui passent.
    regardez bien en face
    la beauté de chaque moment,
    et sa bonté, sa vérité
    à la lumière de maintenant...
     
    Peinture: Fabritius, Le chardonneret.