UA-71569690-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Jaurès le juste

    Jaurès5.jpg

    À voir sans faute ces jours au Poche de Genève: la réalisation, en crescendo très impressionnant, de la dernière pièce de Dominique Ziegler: Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?

    Le nom de Jean Jaurès, figure historique du socialisme français, est certes illustre, honoré par d'innombrables rues et autres places des villes de France, entre autres hommages au Panthéon, sans que le détail de sa trajectoire personnelle et de ses combats soient toujours connus. Son talent d'orateur reste mythique mais sont-ils nombreux ceux qui savent "pourquoi ils ont tué Jaurès ?", pour reprendre le titre d'une chanson de Jacques Brel ?

    Le premier mérite de la nouvelle pièce de Dominique Ziegler, sollicité à très bon escient par Françoise Courvoisier, patronne du Poche, après un "trip" théâtral consacré au citoyen Rousseau, est de reconstituer ledit parcours existentiel de Jaurès en brossant un portrait contrasté, plein d'humanité, sur fond de fresque sociale à la fois simplifiée et cohérente, où l'on apprend des tas de choses - notamment sur le climat idéologique et intellectuel marquant la montée des nationalismes.

    Amorcée par la scène brutale, à la veille de la Grande Guerre, de l'assassinat de Jaurès commis par l'obscur Villain, dont le portrait de raté est croqué en quelques répliques, cette chronique kaléidoscopique, qui emprunte son imagerie et sa tonalité aux feuilletons populaires du début du siècle, nous ramène ensuite au bercail provincial où tout a commencé.

    Jean Jaurès, fils aîné de gens plutôt modestes, accomplit une très solide formation philosophique et littéraire, à l'Ecole normale supérieure, avant d'entrer en politique. Damant le pion à un certain Bergson au concours d'entrée, il revient en province au titre d'agrégé de lettres qui le conduit naturellement au professorat, parallèlement à une activité de journaliste. C'est que le jeune homme, chrétien de sentiment et tôt éveillé à la sensibilité sociale par le spectacle des inégalité, éprouve un besoin de s'exprimer accordé à son don verbal naturel. D'abord modéré dans ses options politiques, en bon républicain se défiant déjà de la morgue aristocratique ou bourgeoise, il décroche un premier mandat de député à l'Assemblée nationale en 1885, non renouvelé en 1889, et commence une carrière d'éditorialiste dans La Dépêche de Toulouse en 1887, parallèlement à un enseignement universitaire à Toulouse où il rédige en outre sa thèse intitulée De la réalité du monde sensible. Evoluant progressivement vers les idées socialistes, le jeune Jaurès va radicaliser ses positions lors de la grande grève des mineurs de Carmaux, en 1892, qui lui révèle la réalité brutale de la lutte des classes et le retrouve au côté de Clémenceau, contre le pouvoir central de Sadi Carnot qui envoie ses troupes. La suite de sa trajectoire est plus connue, marquée de façon aussi brutale par l'Affaire Dreyfus dans laquelle il prend parti contre l'Armée, d'abord pour s'étonner du fait que le "traître" ne soit pas condamné à mort; ensuite, après avoir découvert la vérité sous l'influence du fameux J'accuse de Zola, pour défendre le capitaine juif et combattre, plus généralement, l'injustice, l'antisémitisme et le bellicisme. Cette position lui vaut un déchaînement de haine hallucinant, marqué par l'appel à son exécution par des hommes de lettres aussi différents que Charles Péguy (qui lui a tourné le dos sous la poussée de fièvre d'un nationalisme ardent), Maurice Barrès l'esthète extrémiste, Léon Daudet le fulminant anar de droite ou Paul Déroulède le grotesque chantre va-t-en guerre, notamment.

    De tous ces éléments historico-biographiques, Dominique Ziegler a dégagé une sorte de story-board de bande dessinée scénique qui rappelle les montages du théâtre épique selon Brecht. Le début de la représentation rappelle un peu les exposés didactiques du Théâtre Populaire Romand, dans les années 60-80, mais l'écriture de Ziegler, modulée par une réflexion moins manichéenne que dans ses premières pièces, fonde un dialogue à la fois direct (genre bois gravés polémiques de l'époque) et nuancé, plein de vie et de contrastes - proprement théâtral enpleine pâte -, et développe un magnifique portrait du protagoniste de plus en plus attachant au fur et à mesure qu'il s'affirme contre l'inacceptable sous toutes ses formes: contre les pontes du pouvoir capitaliste et les opportunistes de son camp des gauches, contre le racisme et le cléricalisme obscurantiste aussi - contre la guerre que tous croient fatale.

    De cette évocation théâtrale se dégage finalement le portrait d'un juste, à la fois indomptable et touchant, merveilleusement rendu par le comédien Frédéric Polier qui, physiquement, lui ressemble d'ailleurs très fort. Avec le même brio, les cinq autres comédiens (Caroline Cons, Céline Nidegger, Jean-Alexandre Blanchet, Olivier Lafrance et Julien Tsongas) assument une trentaine de rôles dont les traits joyeusement caricaturaux s'accordent parfaitement à leurs "modèles" historiques.

    Dans le cadre restreint du Poche, avec un dispositif scénographique (Yann Joly) efficace et les effets d'enregistrements de la bande-son (Graham Broomfield) suggérant les places bondées et autres manifs monstres, sans oublier de délicats interludes musicaux, Dominique Ziegler et son équipe signent un travail passionnant par son contenu, alternativement drôle et tragique, et qui fait très heureusement pièce à toute une production contemporaine flatteuse ne jouant plus que sur des formes vides.

    Genève. Le Poche, rue du Cheval-Blanc 7, jusqu'au 3 février. Réservations: 0041 22 310 37 59

  • Ceux qui lisent entre les maux

    Lamalattie08.jpg

    Celui qui te voit venir sur le quai Ouest avec tes mots-valises / Celle qui châtie son langage pour que je l'aime bien / Ceux qui se recoiffent entre deux périodes oratoires et là je recommande le gel Ken Murphy qui vous fait un look d'enfer / Celui qui s'écoute parler entre deux silences de Médor / Celle que le comique de son propre délire interlope interloque / Ceux qui remettent quatre sous dans la machine parlante / Celui qui ne vendra pas la peau du zèbre avant d'avoir scié les barreaux / Celle qui a le mot Musique sur le bout de sa langue de bois / Ceux qui pètent plus haut que leur Q.I. / Celui qui devient plus économe de grands mots à proportion de sa croissante perception physique et métaphysique des grands maux et voilà Nanou un grand mot de trop / Celle qui a trois ans (l'âge idéal de la petite fille sans modèle) et à laquelle tu expliques que les mots sont comme de beaux scarabées ou d'allègres papillons ou de furtifs furets ou de lents escargots qui se bibornent avant de laisser derrière eux une trace de lumière / Ceux qui savent (ah, l'expérience...) que le seul mot train suffit à évoquer de cahotants arrière-trains dans la micheline de Sienne / Ceux qui autopsient les chiens sans apprendre rien sur leur âme / Celui qui complète sa théorie sur les oncles en observant celui que les siens qualifient de tante / Celle qui dit in petto à la femme pasteur en chaire mais ma chère sais-tu de quoi tu parles en stigmatisant ainsi la chair ? / Ceux qui froncent le museau comme des lapereaux / Celui dont le contrat porte le numéro de figurant 666 et qui y voit une signe / Celle qui pressent que son arrogance naturelle va lui servir dans le milieu du marketing gourmand / Ceux qui ont vu partir leur fils unique à la ville où l’on trouve (dit-on) d’innombrables ruelles bordées d’innombrables maisons de hauteur considérable / Celui qui vote communiste pour activer l’élargissement des trottoirs de la banlieue Est / Celle qui fait partie des figurants du péplum dont toutes les séquences ont été supprimées au final / Ceux que leur gibbosité a fait engager pour la fameuse orgie des bossus du Satyricon 2012 et qui se plaignent d’être sous-payés / Celui qui se paluche devant sa webcam connectée par erreur au réseau international de la Bonne Semence pentecôtiste / Celle qui troque son siège de bureau contre un botte-cul de traite traditionnelle pour manifester sa solidarité avec les fermiers de l’Oberland et obtenir des subsides de l'Office fédéral de la culture / Ceux qui défendent la nouvelle loi visant les randonneurs nus des forêts appenzelloises en rappelant aux Anglais que leur justice interdit de décéder dans les locaux du Parlement, aux citoyens du Minnesota qu’une des leurs lois interdit de faire l’amour quand on sent l’ail ou les sardines, et aux Canadiens qu’ils interdisent de tuer des malades en les effrayant / Celui qui estime que la forme mortelle prise par le virus H1N1 au Mexique est un avertissement solennel du Seigneur aux catholiques romains de ce pays tentés par l’hérésie mormone / Celle que les deux moteurs du nouveau sommier électrique que lui a offert son mari Gustav empêchent de se relaxer / Ceux qui ont découvert les agréments de la fellation en étable à l’occasion de l’opération de téléréalité Bienvenue à la ferme / Celui qui entend commercialiser les soutifs transparents pour relancer son élevage de vers à soie / Celle qui invoque son apparentement à l’ordre des mammifère pour défendre sa pratique de la bascule du bassin dans ses pratiques sexuelles naturelles et pour ainsi dire bio / Ceux dont les prothèses déclenchent des alarmes terroristes aux nouveaux portiques électroniques mal réglés de l’aéroport de Gainesville (Florida), etc.

    Peinture: Pierre Lamalattie

  • Ceux qui se sentent visés

    Panopticon1112.jpg

    Celui qui croit se reconnaitre en lisant cette liste consacrée à ceux qui croient se reconnaitre / Celle qui se figure que l'auteur de ces listes formule des jugements sans appel si ça se trouve au final et ça la porte à se demander si ça engage quelque part sa dignité citoyenne de mère célibataire de centre gauche / Ceux qui estiment qu'on devrait psychanalyser le rédacteur de ces listes au motif que son inféodation manifeste à un Surmoi pervers fait problème au niveau du groupe Facebook / Celui qui aime les ritournelles et les filles bottées / Celle qui ne se savait pas visée par le sniper Drago quand celui-ci a été touché au front par son ancien camarade de classe Bogdan passé dans l'autre camp / Ceux qui rappelent volontiers la devise de Georges Simenon, "Comprendre, ne pas juger" tout en ne pouvant s'empêcher de juger sans les comprendre leurs voisins retraités ne causant à personne et faisant chier tout le monde avec leurs airs folkloriques bavarois diffusés plein pot après le lever du drapeau sur leur jardin privatif / Celui qui fantasme sur le jeune Lapon chauve au col roulé mauve qu'il rencontre à la réu des skieurs adventistes ayant fait voeu de retenue charnelle / Celle qui collectionne les revues osées des années 50 qui lui rappellent ses trois grands fils partis à l'Aventure capitaliste / Ceux qui soupirent en constatant qu'ils n'ont pas été retenus sur la liste des élus du Seigneur des agneaux / Celui qui a remarqué la méchanceté particulière des vertueux / Celle qui ne s'est jamais demandé pourquoi sa mère était si méchante en dépit de sa qualité de conseillère de paroisse au quartier des Muguets / Ceux qui ont constaté un type de méchanceté spécifique aux chrétiens dont ils se protègent en restant polis vu que le souvenir du Colisée reste proche / Ceux qui se rappellent les belles heures du cinéma de quartier Le Colisée où ils ont découvert Les coeurs verts et Cendres et diamants / Celui qui n'a jamais manqué un western au cinéma lausannois Bio de la rue de l'Ale où la bagarre finissait dans la salle / Celle qui se vexait de n'être pas visée par les Ritals au sortir de l'atelier de couture où il n'y avait de sifflets que pour sa collègue Rita / Ceux qui ont visé haut et fait marquer sur leur tombe que le Seigneur préfère ceux qui visent haut et particulièrement les membres du Rotary / Celui qui devient franc-maçon après l'insuccès de son dernier livre / Celle qui dans le Greyhound t'a pris pour un Juif new yorkais alors que t'es juste un produit de l'inconduite d'un abbé toscan qui a sauté ta bisaïeule dans la vallée de Conches d'où elle fut chassée sur décision de justce divine ou Dieu sait pas quoi / Ceux qui pallient la confusion babélienne de la réalité réelle non signifiante en établissant des listes dont l'Ordre fondamental ressortit à la poésie punk de troisième génération autant qu'à une nouvelle phénoménologie de la perception panoptique et toc, etc.

    Image: Philip Seelen


  • Jean Ziegler sans légende



    Dans une première bio riche de faits exacts et de témoignages révélateurs, Jürg Wegelin brosse le portrait sans complaisance d'un homme plein de contradictions.
    Jean Ziegler est, avec Guillaume Tell et Roger Federer, le Suisse le plus connu au monde. Mais sait-on qui est en vérité cet émule de l'Abbé Pierre, de Sartre et de Che Guevara, devenu célèbre par ses livres fustigeant l'hypocrisie d'une Suisse "au-dessus de tout soupçon" ? Sait-on que ce fils d'un colonel bernois conservateur fut lui-même capitaine des cadets de Thoune à dix-sept ans et qu'il dispose d'un brevet d'avocat ? Sait-on qu'il excelle au tennis et que c'est un skieur aussi ferré que son ami Adolf Ogi ? Sait-on que ce fils révolté est lui-même un père et un grand-père attentif .

    Qu'on le vomisse ou qu'on le respecte, Jean Ziegler suscite des passions proportionnées à la sienne, intacte à l'approche de ses 8o ans. Or le premier mérite de Jürg Wegelin, journaliste économique de solide expérience qui fut l'étudiant du prof gauchiste à l'université de Berne, est de dépassionner le débat sans l'aplatir.
    Tenant à certains égards du prophète, Ziegler tend parfois à l'affabulation. Pièces en mains, Wegelin corrige alors. Oui, Ziegler brode (dans Le bonheur d'être Suisse) quand il prétend avoir assisté, en son enfance, à un déraillement de train de marchandises aux wagons chargés d'armes par les nazis. Mais la Suisse était bel et bien sillonnée, alors, de trains aux wagons plombés. Ziegler s'inspire donc de faits réels pour inventer une scène qui frappe les imaginations.
    Bien entendu, ses détracteurs stigmatiseront cette "poésie", comme ils pointeront le manque de rigueur de ses livres et en feront un "idiot utile" du colonel Khadafi. Or, à propos de celui-ci, Wegelin précise avec honnêteté quelle fut la conduite de Ziegler, peut-être imprudent mais jamais vendu.
    À son travail sur les archives, que le sociologue lui a ouvertes, Jürg Wegelin ajoute une quantité de témoignages de la famille (la soeur de Jean, ses épouses successives et son fils Dominique) autant que ceux des acteurs du monde académique ou politique. Dans la foulée, on en apprend pas mal sur la grande tolérance du prof en matière d'opinions, ses amitiés de tous bords (de Marc Bonnant à Elie Wiesel, ou de Lula à Kofi Annan), son activité de parlementaire, ses dettes de justice et sa détestation d'Internet...
    Traître à la patrie ?
    Au nombre des attaques les plus dures qu'il ait encaissées figure l'accusation de haute trahison lancée contre Jean Ziegler à la suite de la publication, en 1998, de L'or, la Suisse et les morts, incriminant l'attitude de notre pays durant la Deuxième Guerre mondiale. Or ses constats, d'abord vilipendés, auront ouvert un débat crucial. C'est ainsi d'ailleurs, à travers les décennies, que ses coups de boutoir contre le secret bancaire, l'accueil des fortunes de dictateurs, le blanchiment d'argent sale ou la complaisance envers certains barons de la drogue et autres seigneurs du crime organisé, ont bel et bien porté après avoir été taxés d'exagération.
    Dès la parution d' Une Suisse au-dessus de tout soupçon, son auteur fut considéré par beaucoup de Suisses comme une "Netzbeschmutzer", salisseur de nid, qui avait le premier tort de critiquer notre pays dans les médias étrangers. Or le paradoxe est que ce "traître" présumé a souvent trouvé de forts appuis chez des politiciens de droite également écoeurés par les menées qu'il dénonçait.
    Régis Debray voit en Jean Ziegler un "prédicateur calviniste". Il y a du vrai. Ses exagérations sont apparemment d'un utopiste, mais sûrement plus "réaliste" et conséquent que tant de ses détracteurs se flattant d'avoir "les pieds sur terre". Dans les grandes largeurs, conclut Jürg Wegelin, Jean Ziegler connaît aujourd'hui une sorte de "tardive réhabilitation". Mais l'intéressé n'en a cure, qui voit toujours le monde comme il va, et surtout ne va pas, en rebelle !
    Jürg Wegelin. Jean Ziegler, la vie d'un rebelle. Editions Favre, 172p.


    Ziegler07.jpg"Je me fiche d'avoir raison !"
    Mais au fait, qu'a pensé celui-ci de la première biographie qui lui est consacrée ?
    "D'abord j'ai été soulagé de ne pas être, une fois de plus, descendu en flammes. Jürg Wegelin a fait une biographie à l'américaine, au bon sens du terme: s'en tenant aux faits. Evidemment, un homme est toujours double, et le biographe n'entre pas ici dans les profondeurs de son sujet. Mais j'aurais mauvaise grâce de le lui reprocher puisque j'ai refusé de participer à son travail, comme j'ai refusé au Seuil et à Bertelsman d'écrire mes mémoires.
    Cela étant, Wegelin rend très bien le jeu d'oscillation dialectique entre destinée personnelle et personnage social. Son regard reste extérieur, mais tout ce qu'il dit est fondé. La seule aide que je lui ai apportée est une signature pour l'accès aux archives fédérales, mais il y a ajouté beaucoup de travail d'investigation.
    Où je ne suis pas d'accord avec lui, en revanche, c'est quand il parle de "réhabilitation" à mon propos. Comme si le problème était là ! Je me fiche d'avoir raison: le problème est que le mal que j'ai dénoncé continue de se faire. S'il y a un certain progrès, dans nos relations avec l'Allemagne, la France ou l'Amérique, notamment avec les accords de double imposition, les banquiers n'en finissent pas d'imposer leurs lois et le reste du monde continue de subir les effets du capitalisme: les trois quarts de l'humanité restent ainsi laissés pour compte, exploités et voués à la sous-alimentation ou à la famine. Où est le progrès ?"


  • Ceux qui ont un coup de blues

    Panopticon102.jpg

    Celui qui apprend qu'Albertine est partie / Celle qui en a marre d'être prise pour une madeleine / Ceux qui ne savent pas par quel bout prendre Sodome et Gomorrhe / Celui qui a un puits de tristesse au fond de sa cour / Celle qui transcende sa peine par le gospel / Ceux qui excellent dans la manière noire / Celui qui se demande si le retour d'Albertine vaut la dépense d'un yacht et d'une Rolls ou s'il ne serait pas mieux de se casser avec Agostini en pullman / Celle qui se dit en recherche au jeune écrivain louche / Ceux qui ont un passage à vide genre souterrain / Celui qui déverse sa bile sous pseudo vu qu'on l'ignore sous son vrai crénom / Celle qui n'aime pas ne pas aimer / Ceux qui externalisent l'inessentiel / Celui que déprime le choeur des blattes / Celle que le corbeau rejoint par l'interphone / Ceux que la malveillance désarme / Celui qui enfile sa blouse bleue en sifflotant Blue Suede Shoes d'Elvis le bouseux / Celle qui détend l'atmosphère en se la jouant Yvette Horner / Ceux qui sont d'humeur morose bombon / Celui qui fait ricaner la murène / Celle qui a toutes les qualités et CNN en option / Ceux qui sourient à l'infortune du pot / Celui qui est fada de fado / Celle qui se fait le Rambo de la rumba / Ceux qui s’impatientent de la retraite pour faire la gueule à plein temps, etc.


    Image: Philip Seelen