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  • Au pays de l'humain

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    Passions d'Annie Leclerc, par Nancy Huston 

    A La Désirade, ce jeudi 15 novembre. – « Les livres ont été pour moi le pays de l’humain. Les livres, les œuvres d’art franchissent l’enfermement du nous, et tous, quand ils sont forts, s’adressent à nous tous en tant qu’humains. En eux circule vraiment le sang de vie et non de mort »… Voilà ce qu’écrivait Annie Leclerc en avril 2005 à Nancy Huston son amie, qui consacre un livre entier à dire ce que fut cette amitié et les passions d’Annie Leclerc qui ont nourri sa vie et ses livres.
    Nancy Huston a été l’amie d’Annie Leclerc et lui offre et nous offre de nos rencontrer : à Annie Leclerc, morte du cancer en 2006, de continuer de vivre et à nous, lecteurs, de vivre une part de ce qu’elle, Nancy, a vécu et échangé avec cette femme dont elle s’est sentie aussitôt proche, la connaissant déjà par ses livres et désirant la rencontrer.
    Nancy Huston a écrit ceci que je reconnais immédiatement comme une expérience faite maintes fois avec tant d’autres auteurs disparus : « Dire qu’une partie d’elle continue de vivre en moi, ce n’est ni une fadaise, ni une fausse et facile consolation post mortem, c’est la vérité littérale. Je ne pense pas de la même manière qu’avant de lire et connaître Annie Leclerc ; cette lecture et cette amitié ont changé ma façon de voir le monde ; or nous sommes (entre autres choses) notre façon de voir le monde. Annie Leclerc ne m’a pas simplement marquée ou influencée, elle m’a faite ce que je suis. Sans sa pensée et sans son amitié, je n’aurais pas écrit mes livres ; ç’aurait été un autre je, et des livres différents. »
    Je ne connais pas Annie Leclerc, dont je n’ai lu aucun livre, je sens à lire Nancy Huston que je vais lire un de ces jours un ou l’autre livre de cette Annie Leclerc qui m’est déjà plus proche, par ce qu’en écrit Nancy Huston, que maints vivants qui m’entourent, et voici justement ce qu’écrit Nancy Huston à propos de ce qu’on croit la vie et la mort et de ce qu’on croit le mur séparant la vie de la mort : « Ca lui fait une belle jambe de survivre dans la mémoire des autres, me répliqueront certains en ricanant alors qu’elle n’est pas là pour en profiter ! Ah, leur répondrai-je, mais Annie m’a appris qu’il n’y a pas de rupture radicale entre les morts et les vivants, qu’être vivant c’est justement être tissé corps et âme de la vie de ceux qui nous ont précédés »…

    Nancy Huston Passions d'Annie Leclerc. Actes Sud, 349p.

    Vient également de paraitre chez Actes Sud: L'amour selon Mme de Rênal, d'Annie Leclerc, préfacé par N.H.

  • Chacun mes Prix

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    Mon palmarès 2007

    Rompant un long silence qui a donné lieu à toutes les supputations et autres rumeurs contradictoires les plus folles, j’ai résolu de livrer enfin, aux médias et autres instances de consécration, les résultats des délibérations au terme desquelles j’ai attribué, aux ouvrages qui ont été soumis à mon jugement notoirement impartial et pertinent, les grands prix de cet automne littéraire 2007.

    5ec683e57e383c25e2d1643474e83758.jpgMon Prix Goncourt : à M. François Emmanuel, pour Regarde la vague, au Seuil ; M. Hubert Haddad, pour Palestine, chez Zulma ; M. Philippe Claudel, pour Le Rapport de Brodeck, chez Stock. Non pas ex-aequo, mais : à choix.
    Mon Prix Goncourt des lycéens à l’unanimité
    : à M. Marius Daniel Popescu, pour La symphonie du loup, chez José Corti.
    8d53df0817b4a12e7ea4235396ab68ee.jpgMon Prix Goncourt étranger à l’unanimité: à M. Mikhaïl Chichkine, pour Le Cheveu de Vénus, chez Fayard.
    Mon Prix Renaudot: à Mlle Amélie Nothomb, pour Ni d'Eve ni d'Adam, chez Abin Michel; Mme Alina Reyes, pour Forêt profonde, au Rocher; M. Olivier Adam, pour A l’abri de rien. A L’Olivier.
    01d71a10e704a8cbb4612c3072f3d06f.jpgMon Prix Médicis : à M. Marius Daniel Popescu, pour La symphonie du loup, chez Corti ; M. Alain Dugrand, pour Insurgés, chez Fayard ; M. Vassilis Alexakis, pour Av. J.-C, chez Stock.
    Mon Prix Médicis étranger : à M. Mikhaïl Chichkine, pour Le cheveu de Vénus, chez Fayard; M. Philip Roth, pour Un homme, chez Gallimard ; M. W.G. Sebald, pour D’après nature, chez Actes Sud.
    Mon Prix Médicis de l’essai : à M. Jean Hatzfeld, pour La stratégie des antilopes, au Seuil ; M. Georges Nivat, pour Vivre en Russe, à L’Age d’Homme ; M. François Bon, pour Bob Dylan, chez Fayard.
    c6a5a37fe4fdfd0b407a3b4d4c335d09.jpgMon Prix Femina : à Mme Marie Darrieussecq, pour Tom est mort, chez P.O.L.; Mme Linda Lê, pour In memoriam, chez Bourgois; Mme Michèle Lesbre, pour Le canapé rouge, chez Sabine Weispieser.
    Mon Prix Femina étranger : à M. Mikhaïl Chichkine, pour Le cheveu de Vénus, chez Fayard ; M. Philip Roth, pour Un homme, chez Gallimard : M. W.G. Sebald, pour Vertiges, chez Actes Sud.
    Mon Prix Femina de l’essai : à MM. René Girard et Benoît Chantre, pour Achever Clausewitz, chez CarnetsNord ; M. Pietro Citati, pour La mort du papillon, chez Gallimard ; M. Gilles Lapouge, pour L’encre du voyageur, chez Albin Michel.
    94ec5659d529b0929cebf6247bb1ad6f.jpgMon Prix Décembre à l’unanimité : M.Philippe Sollers, pour Un vrai roman, chez Plon.

  • Des voix contre l’oubli

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    PRIX LITTERAIRES La deuxième volée (avec le Médicis à Jean Hatzfeld et le Goncourt des lycéens à Philippe Claudel) efface la très mauvaise impression de la première. Au contraire du Femina à Eric Fottorino…

    Les lycéens ont tout juste, et ce n’est pas la première fois que « leur » Goncourt est plus avisé que celui de leurs aînés, bien rassis cette année. De fait, le Goncourt à lire en priorité cette année est bel et bien Le rapport de Brodeck, roman certes moins « glamoureux » et « facile » qu’ Alabama Song de Gilles Leroy, mais qui s’impose au premier rang des romans francophones parus cet automne, autant par sa substance humaine que par la dimension éthique et poétique de la sombre fable qu’il raconte dans une écriture limpide et très suggestive à la fois, mélange d’expressionnisme et de réalisme magique.
    Les académiciens Goncourt ont-ils eu peur, après Les Bienveillantes, de consacrer cette nouvelle traversée des ténèbres du XXe siècle, dont le protagoniste devient le greffier « pour mémoire » d’un lynchage collectif qui se répète indéfiniment d’une génération à l’autre, ou les pressions pro-Gallimard ont-elles prévalu contre le poulain de Stock ? Peu importe aujourd’hui, puisque aussi bien l’on sait que le Goncourt des lycéens est des rares prix réellement prescripteurs, et que Le Rapport de Brodeck se « mérite » plus qu’il ne se consomme en trois bouchées distraites.
    Témoin et médium
    Cette dernière observation vaut tout autant pour La Stratégie des antilopes de Jean Hatzfeld, qui a passé, après avoir failli y laisser sa vie, du travail de grand reporter (en ex-Yougoslavie, puis au Rwanda) à celui de scribe de la réalité génocidaire, et cela depuis des années déjà. Rien de sensationnaliste ou de morbide dans son œuvre, qui est d’un écrivain plus que d’un journaliste, à l’écoute des gens et des microdrames significatifs qu’il ressaisit dans les grandes tragédies : à la recherche de l’humain dont il capte les mots.
    Après La guerre au bord du fleuve (inspiré par son expérience en ex-Yougoslavie) et Dans le nu de la vie (récits des marais rwandais), La Stratégie des antilopes bouleverse le lecteur par le fait que c’est dans la paix des cimetières que l’écrivain recueille les voix de celles et ceux qui ont fui droit devant eux (comme l’antilope) avant de revenir au milieu de leurs bourreaux d’hier, aujourd’hui blancs comme neige...
    Des baisers « volés »
    Quant au Prix Femina à Baisers de cinéma d’Eric Fottorino, très au-dessous de celui de l’an dernier (échu à Nancy Huston pour ses magnifiques Lignes de faille), il nous ramène à un parisianisme convenu, certes pas désagréable mais ne pesant pas lourd à côté d’autres papables de cet automne, d’Olivier Adam à Linda Lê ou Michèle Lesbre. Or il est évidemment plus chic de primer le directeur éditorial du Monde, publié chez Gallimard… Certes bien écrit, ménageant un agréable mélange de romanesque sentimental sur fond de quête de l’origine, entre promenades cultivées à travers Paris et fascinations cinématographiques, ce récit ne démérite pas au milieu des 277 romans français de l’automne, mais en quoi s’en distingue-t-il au point de devenir le chéri de ces dames ? Baisers volés ?

    A l’écoute du monde

    ccc69b41bdd06560a036dc8e4f22b777.jpgIl en va des prix littéraires parisiens comme de l’état actuel de la littérature française dans le monde : le grand air, les grandes entreprises, voire les grandes œuvres  viennent souvent d’ailleurs, en traduction. Ainsi l’attribution du Prix Médicis étranger à l’auteur américain Daniel Mendelsohn, pour Les disparus, paru chez Flammarion, relève-t-elle de la reconnaissance la plus légitime, s’agissant d’une vaste enquête historico-familiale menée en Europe par le petit-neveu d’un Juif polonais écrivant, en 1939, des appels au secours à son frère installé aux Etats-Unis. Sans être un chef-d’œuvre littéraire, ce livre est plus qu’un document historique : la plongée, déterminée par un  premier élan intime et affectif intense, d’un jeune Américain dans la mémoire tragique de ses aïeux, ensuite nourrie par une investigation sur les lieux et au milieu des gens. Il en résulte un tableau « pour mémoire » grouillant de personnages et de situations où l’émotion le dispute au grand intérêt du témoignage.

    1e388452928ef51fc8598ac4bc4d21b6.jpgCurieusement, les prix littéraire confondent de plus en plus les genres, où l’appellation « roman » n’a plus guère de sens. Les trois Médicis sont ainsi tous, en réalité, des « essais », même si L’année de la pensée magique de Joan Didion, publié chez Grasset et gratifié du Médicis de l’essai, précisément, relève à la fois du récit-exorcisme de deuil  infiniment attachant, voire bouleversant. Dans les mêmes marges mouvantes, c’est un roman-récit existentiel, Le goût de la mère, du Britannique Edward Saint Aubyn,  paru chez Christian Bourgeois, que récompense cette année le Femina étranger, où il est question des tribulations d’une famille et de la façon dont elle les surmonte. Enfin hissons le plus joli pavois pour le Femina de l’essai à Gilles Lapouge, dont L’encre du voyageur, paru chez Albin Michel, invite à la partance à tous les sens du terme, avec le fruit des mots à la bouche...   

    Ces articles ont paru dans l'édition de 24Heures du 13 novembre 2007.

  • Maison de l’écriture

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    Le grand projet de Vera Michalski
    Vera Michalski voit grand. Les mesquins et autres médiocres qui « freinent à la montée », selon l’expression bien de chez nous, diront qu’elle en a « les moyens » en tant qu’héritière d’une fortune colossale, mais voilà : tous les riches ne sont pas généreux, à tous les sens du terme. Or depuis plus de vingt ans, Vera Michalski n’a cessé, avec son mari Jan Michalski trop tôt disparu (en août 2003), de travailler à une œuvre dont le profit n’est pas la finalité première, basée sur le désir initial de défendre et d’illustrer la littérature polonaise survivant sous la chape communiste (d’où la fondation des éditions Noir sur Blanc, en 1986), ensuite sur une exploration élargie des littératures de la ci-devant Autre Europe, pour s’étendre aujourd’hui à des échanges internationaux entre la Suisse, Paris et Varsovie, à l’enseigne du petit empire éditorial que constitue le groupe Libella (Noir sur Blanc, Buchet-Chastel, Phébus, notamment).
    Or voici que, pour honorer la mémoire de son conjoint de façon non moins constructive, Vera Michalski a décidé de créer, sur la base d’une Fondation Jan Michalski pour l’écriture et la littérature, une Maison de l’écriture dont l’architecte Vincent Mangeat a présenté récemment l’impressionnante maquette.
    A Montricher, sur les hauts de la Côte lémanique, au pied boisé du Jura, face au lac et aux Alpes, la Maison de l’écriture intégrera deux bâtiments existants (l’ancienne colonie de vacances d’En Bois désert, de fameuse mémoire pour beaucoup d’enfants vaudois, et sa chapelle attenante), autour desquels essaimera tout un système de « cabanes » suspendues, virtuellement extensible.
    Dans un premier temps, c’est par la création d’un prix littéraire d’envergure internationale que la Fondation Jan Michalski va se manifester, qui sera décerné en octobre 2008 pour la première fois. Les modalités, le jury (tournant) et la dotation de ce prix seront précisés en janvier prochain. Par ailleurs, une série de bourses d’aide à la création littéraire sera lancée l’an prochain à la même enseigne. Quant à la Maison de l’écriture, élément central de ce formidable projet, ce n’est qu’au tournant de 2009-2010 qu’elle ouvrira ses portes, sous la direction de Marc Roelandt.
    A relever, selon l’expression de Vincent Mangeat et les vœux de Vera Michalski, que cette Maison de l’écriture n’aura rien du cloître pour gens de lettres, comme le sont certaines résidences d’écrivains, mais devrait constituer, dans les dimensions d'une cité miniature,  un lieu d’échanges ouvert autant qu’une retraite propice à la création. Deux bibliothèques (dont une publique), un auditorium et une salle d’exposition compléteront la structure d’accueil envisagée pour cinq résidents simultanés et un couple.
    Interrogée sur l’insertion de cette Maison de l’écriture dans le tissu culturel extrêmement dense de la Suisse romande, Vera Michalski insiste sur son parti pris d’indépendance sans exclure des collaborations avec les institutions diverses de nos régions. Remarquable projet, dont on suivra le développement avec toute l’attention requise…