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  • Shakespeare en jeu

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    Une lecture des 37 pièces du Barde.
     
    Les Comédies.
     
    22. Tout est bien qui finit bien
     
    Il faut l’humour carabiné de Shakespeare, tout imprégné de sapience humaine, pour donner une fin heureuse à cette histoire d’amours contrariées, où se distingue surtout l’orgueil plein de morgue du jeune comte Bertrand de Roussillon, qui dame le pion à sa mère et au roi quand ceux-ci prétendent lui faire épouser la tendre suivante de celle-là au motif qu’elle vient de sauver le monarque en appliquant une recette médicale de son père et, pour récompense, demande la main du bel indifférent.
    Raconté comme ça cela pourrait sembler compliqué, mais tout est clair dans l’enchaînement des faits alternant les situations où nous voyons défiler des personnages merveilleusement contrastés, de la mère généreuse de Bertrand, psychorigide snob et puant en sa jeunesse arrogante, au roi mourant content de revivre grâce à la potion d’Hélène et se montrant plein de sagesse, ou de l’inénarrable vantard dont les rodomontades masquent un poltron et un traître, à l’amoureuse éconduite menant son affaire avec une main de fer dans un gant de velours.
    On l’a vu dans les comédies successives de Shakespeare : que les roucoulements romantiques ne lui en imposent pas plus que les menées cyniques.
    Or Bertrand, qui croit tout savoir, va devoir prendre sur lui en découvrant que son mentor n’est qu’un faux-cul, et que ses propres ruses amoureuses ne valent pas mieux.
    Mais qui vaut mieux que l’autre dans cet imbroglio ? Une fois de plus, le bon génie du Barde tend à la conclusion débonnaire et au pardon.
    À relever dans la foulée : la remarquable tenue picturale de la réalisation d’Elijah Moshinsky, dans cette version de la BBC, en phase avec un scénographe de haut vol : on est ici entre Vermeer et Velasquez, les Hollandais en leurs intérieurs et les Espagnols ferrailleurs, avec une touche Louis XIII sympathique à mousquetaires moustachus et gros nez.
    Aussi quelle malice : une épouse vierge se faisant saillir par celui qui la rejette et l’a prise pour une autre, qu’il rejette derechef comme la première ! Et l’amour là-dedans ? Il court il court, le furet…
     
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  • L'amour en Occident

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    Une Lecture de La Divine Comédie (52)
     
    Chant XVIII. Quatrième corniche: les paresseux. Virgile explique la nature de l’Amour et ses rapports avec le libre arbitre. Les négligents. Dante s’endort et rêve.
     
     
    Lire la Commedia requiert autant d’attention que de distance amicalement ironique, me semble-t-il, et cette adhésion réservée s’accentue au fur et à mesure qu’on s’élève, au propre et au figuré, sur les roides pentes du Mont Purgatoire où les Grandes Questions pour un champion de vertu se succèdent.
    La question des questions est à présent celle de l’Amour, et ce sera finalement la seule importante avant et pendant le parcours paradisiaque, avec le défi permanent d’une plus juste et bonne définition de la chose.
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    Amour selon certains Grecs (Eros) où selon un certain christianisme (Agapé), ou quoi d’autre encore, alors que s’y mêle l’autre question qui fait débat, comme on dit, portant sur l’inné et l’acquis ?
    La forme même de la Commedia constitue déjà une réponse, avec sa structure ternaire qui va de la première exploration du tréfonds de l’abjection à la cime rêvée de la vertu sublime, au fil d’une ascèse ascensionnelle représentant en somme le djihâd chrétien dont le but final serait l’éternelle félicité.
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    Mais a-t-on vraiment envie du Paradis ? Et si je ne désirais « rien que la terre » si possible sans guerre, en beauté et en bonté ?
     
    C’est à cette autre question aussi que le lecteur est confronté dans ce chant à déchiffrer patiemment, en confrontant toutes ses traductions et commentaires, ou en se bornant à ce qu’on y trouve à première lecture en attendant de creuser, quitte à lire ou à relire parallèlement L’Amour et l’Occident de Denis de Rougemont où se trouve formulée clairement la distinction entre l’Eros grec et ses dérivés, l’amour courtois des troubadours et l’amour divin selon les Pères de l’Eglise, etc.
    Tout ça nous renvoyant ensuite aux conceptions de l’amour chez les indiens précolombiens, les bouddhistes plus ou moins zen ou les sectes évangélistes défendant la liberté de porter son arme sur soi dès le jardin d’enfants...
    Le libre arbitre est encore une autre question, et celle d’une âme originellement consciente du bien et du mal, sans parler de la prédestination selon le très calviniste Calvin.
    Et moi là-dedans, que cet alpinisme pseudo-divin fatigue un peu vu l’état de mes jarrets et ma paresse naturelle ? Eh bien moi, mon frère, je souris à la vision dantesque de ces essaims affolés, sur cette corniche du Purgatoire, qui se hâtent comme des puces sous l’aiguillon du repentir (ils ont tant tardé à faire le bien sur terre qu’ils se grouillent là-haut !) alors que la vue sur la mer, de ces vires, mériterait plutôt une halte de sereine contemplation...
     
    41KEAN0XN5L._SX280_BO1,204,203,200_.jpgDante. Purgatorio. Traduit par Jacqueline Bisset. La plus belle traduction (en version bilingue) du moment . GF. Flammarion, 2005.
    Unknown-1.jpegRené de Ceccaty. La Divine Comédie. Nouvelle traduction avec la seule version française en octosyllabes simplifiant la lecture et la rythmant remarquablement. Magnifique introduction du traducteur. Points Seuil, 2017,
    41O8hsNvRYL._SX328_BO1,204,203,200_.jpgFrancois Mégroz. Le Purgatoire. Traduction littérale dénuée de toute poésie mais très appréciable pour ses nombreux commentaires. L’Âge d’Homme, 1995.