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  • Quentin Mouron nous introduit aux fluides enfers de l’agréable

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    En phase avec son époque, dont il capte l’esprit et décrypte les codes et les fantasmes, tout en rompant avec son conformisme de masse, l’écrivain nous revient avec un roman-scanner d’une pénétration psycho-sociologique saisissante, sur fond de comédie sociale branchée, avec un titre aussi insolite et poétiquement pertinent que ceux de ses ouvrage précédents : La dernière chambre du Grand Hôtel Abîme
    Ils et elles ne savent plus trop où « ielles » en sont, mais elles et ils disent que « ça baigne », et l’on ne saurait mieux conclure que par « monstre cool » alors que « ça » nous concerne tous plus ou moins, que nous le voulions ou non.
    Que le nom du capitaine Nemo, figure majeure de nos enfances de petits lecteurs entraînés vingt mille lieues sous les mers, soit devenu le prénom d’un zombie non binaire en jupon rose en qui les nouveaux techniciens de surface des médias se félicitent de découvrir l’emblème d'un monde à sexualité augmentée, n’est qu’un signe parmi d’autres de la fluidification générale, et d’aucuns paniquent ou réagissent en réacs tandis que d’autres « font avec », comme Sam le premier personnage à surgir dans le miroir aux alouettes du dernier roman de Quentin Mouron, se lançant à lui-même ce défi devant sa glace fissurée : « Sois un chien sombre qui aboie devant les tentes de l’existence », et la caravane de ses followers passe…
    On ne fait pas plus kitsch dans la tonalité poético-romantique en vogue sur la Toile, mais c’est exactement « ça » qui arrive à Sam et dont seront informés, tout à l’heure, les 200.000 abonnés de son compte Instagram...
    Pour le dire vite (avant de se dire non moins gravement « à vite ! »), Sam est devenu influenceur sans le vouloir vraiment, à vrai dire « comme tout le monde », vu que c’est effectivement à tous que « ça » arrive depuis que tout un chacun/chacune est connecté (e), d’abord sur Internet et ensuite sur les réseaux et « applis » multiples, surtout les jeunes. Tenez la preuve, la semaine passée : ma petite voisine de sept ans, au prénom d’Océane, devant sa webcam, dansait en pagne arc-en ciel en faisant de la pub pour une marque de blush, à l’insu de sa mère écoresponsable...
    Tous influenceurs ? Sûrement pas encore, mais quelque chose est bel et bien arrivé, comme on peut le dire aujourd’hui de l’épisode du Covid, et ça vaut d’être raconté…
    Or, avec son nouveau roman abordant la « vraie vie » et les faux semblants des influenceurs contemporains, Quentin Mouron nous étonne un fois de plus , comme il l’a fait depuis une douzaine d’années avec dix livres à son actif touchant aux genres divers du roman, de l’essai et de la poésie, apparemment différents les uns des autres mais tenus ensemble, en œuvre organiquement cohérente, par une même vision affirmée, une même porosité sensible et une même qualité d’expression - ce qu’on dira sa « papatte ».
    Bientôt au mitan de la trentaine, ce « millenial » avéré, pétri de la culture de sa génération et s’en distinguant par un constant décentrage intellectuel et affectif, a été situé dans la filiation d’un Michel Houellebecq, ou parfois d’un Bret Easton Ellis, pour sa façon de moduler des observations « sociétales » et de mêler observation clinique et satire, et l’on pourrait aussi relier son dernier livre au Cercle de Dave Eggers, mais le lascar est à vrai dire hors norme et comparaison, comme tout écrivain de vraie singularité.
    Un témoin du nouveau monde
    Le nouveau monde - au propre et au figuré puisque Au point d’effusion des égouts (Morattel, 2011) relatait la traversée des States d’un jeune héritier des beatniks de la Route 66 -, et sa novlangue plus ou moins tribale, constituait la substance vivante du premier livre de Quentin (fils d’artiste et d’enseignante vaudois qui l’ont élevé en exil subtil dans une cabane des Laurentides), et c’est en Amérique aussi que se situait son deuxième roman, plus « tchekhovien » d’âme et de tripe, Notre-Dame de la merci (Morattel, 2012) qui annonçait déjà les qualités de cœur et d’esprit d’un auteur de grand avenir capable de mêler l’observation d’un milieu social donné (la classe moyenne en dérive se réfugiant dans la drogue) et l’impact personnel des désastres affectifs.
    D’un livre à l’autre, en effet, le thème qu’on pourrait dire de l’amour qui n’est pas aimé, ou de la rupture savourée sur fond de guerre des sexes acclimatée, a connu divers traitements et culmine dans La dernière chambre du Grand Hôtel Abîme, où l’intime et l’indiscrétion généralisée, le très particulier et les généralisations abusives, la vie affective ou sexuelle et les discours à n’en plus finir soumis aux nouvelles normes morales ou politiques, constituent un univers à la fois fantastique et hyperréel que le verbe de l’écrivain ressaisit avec précision.
    Sam, Lola, Hugo, Sixtine, Rocco et les autres…
    Lorsqu’il se pointe devant son miroir fêlé, Sam se partage donc entre sa vie de façade, suivie par les 150.000 abonnés de son compte TikTok, et son « ressenti » réel et privé, toujours marqué par sa rupture avec une certaine Sixtine (pas un clone de la chapelle : une influenceuse célèbre dont le nom de réseau pourrait être Sex-teen), dix ans auparavant, au terme d’une année de probable fol amour, et voici que vie réelle et story virtuelle risquent de se percuter du fait que Sam, comme Sixtine, sont tous deux invités à Venise pour une convention européenne d'influenceurs – mais la seule idée d’aller à Venise, cette ville-cliché, le rebute autant que l’horripilent de plus en plus les soirées à boire et se défoncer, alors même qu’il continue à « poster » des images faisant croire que la fête continue, mais « quand Sam postait des photos à cinq heures du matin, à six heures déjà plus de mille personnes avaient liké, ils se demandait qui étaient ces gens qui ne dormaient pas, qui ne fêtaient pas, qui ne lisaient pas, qui regardaient des photos de soirée, qui aimaient qu’il fasse la fête, qu’il soit défoncé, qu’il cite des poètes, il se demandait qui étaient ces femmes et ces hommes du biais, de la procuration, ces femmes et ces hommes de l’aube et du silence »…
    Soit dit en passant, la citation qui précède, mélange de lucidité triste et de poésie tendre, est du pur Quentin dont on relèvera, tout au long du livre, comme des précédents, qu’il aime ses personnages.
    Et de fait nous aimerons Sam, non parce qu’il est né coiffé et se montre plus intelligent que la moyenne, qu’il a touché à tout, un peu couché avec Hugo, passionnément aimé Sixtine qui l’a largué malgré leur succès géant auprès de leur communauté virtuelle qui « leur envoyait des cœurs et des flammes en permanence », mais parce qu’il est Sam, enfant du siècle comme l’est aussi Lola à sa façon toute différente, lucide et aimante – aimant les arts et la permanence, déçue plus souvent qu’à son tour, et avec Hugo elle sera servie une fois de plus - Hugo le journaliste plutôt raté qui se remet difficilement d’avoir un peu couché avec Sam et qu’on retrouvera à Venise comme on retrouvera Sixtine et son nouveau mec du moment, ce Rocco roulant ses mécaniques et rêvant de dormir dans des yourtes et de rencontrer un vrai sourcier ou un vrai énergiologue et/ou de lire du Sylvain Tesson au coin d’un vrai feu – mais assez de spoiling, lecteurices respecté(e)s : à vous le job !
    De la fluidité d’une écriture qui danse
    De fait, on n’évoquera pas Sixtine en deux mots : on la « vivra » par les mots de Quentin Mouron, comme on vivra cette espèce de poème-missive envoyé aux humains de tous les sexes, dont la forme même mime, par sa fluidité, toutes les « inclusions » actuelles du discours plus ou moins vidé de sens et des idéologies plus ou moins vidées de contenu, l’Agora du moment se trouvant un squat vénitien où Shakespeare en découd avec les « acteurices » de tout bord et de toute dérive, sur fond beaucoup plus stable et solide qu’on ne croirait, qui est aussi le « fonds » d’un certain Milan Kundera aux anges flapis, ou d’un certain Stanislaw Ignacy Wikiewicz annonçant dans les années 20-30 du XXe siècle ce que quelques auteurs lucides, philosophes ou poètes, constatent aujourd’hui même : le triomphe de tous les nivellements et l’urgence de les combattre, fût-ce en dansant sur le volcan…
    Quentin Mouron. La dernière chambre du Grand Hôtel Abîme. Editions Favre, 2024.

  • La vie sous le gingko

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    (Le Temps accordé. Lectures du monde, 2024)
    À la Maison bleue, ce mardi 11 juin.– Arriverai-je vivant au 14 juin, ce vendredi prochain où je suis censé fêter mes 77 ans avec mes filles sur la terrasse de Bourg-en-Lavaux, sous le ginkgo ? Je l’aimerais bien, mais mon état de ce matin, ma peine à respirer, mes jambes qui flageolent et se dérobent, ma vue troublée et mon oreille interne également perturbée , enfin tout le bâtiment en déglingue me font craindre un possible clash tout prochain alors qu’il y aurait encore tant d’ordre à mettre dans mes affaires et tant de passerelles à lancer en avant...
    Je relisais hier le journal de Roland Jaccard, Le monde d’avant, de l’année 1983 où notre Sophie achevait sa première année, et je souriais de voir ce cher faux dilettante se dénigrer à bon marché tout en s’accrochant à ce qu’il y a de plus futile et passager dans la vie, mais non sans moduler aussi tant d’observations et de considérations fondées et intéressantes.
     
    Je tiens mes carnets de façon régulière depuis ma 18e année environ. Le projet, d’abord non concerté, que constituent mes Lectures du monde représente aujourd’hui cinq volumes publiés, soit plus de 2000 pages, et les deux derniers comptent un peu plus de 1500 pages à l’heure qu’il est.
    John Cowper Powys pense que la Littérature est le journal de bord de l’Humanité, je le pense aussi et c’est dans cette filiation que s’inscrivent, plus précisément, mes Lectures du monde, comptant actuellement quelque 3500 pages dont 2000 ont été publiées en cinq volumes, de L’Ambassade du papillon à L’échappée libre. La suite se déploie entre Mémoire vive (2013-2019) et Le Temps accordé (2020- ….), dont l’avenir éditorial reste aussi incertain que celui de mes 7 autres manuscrits actuellement publiables dans un contexte éditorial et littéraire où je n’existe quasiment plus.
     
    De fait, les deux derniers livres que j’ai publiés n’ont pas eu droit au moindre papier dans les médias où j’ai donné le meilleur de moi-même pendant une cinquantaine d’années, à commencer par 24 Heures où ne sévissent plus que les techniciens de surface du commentaire culturel délayé par l’injonction commerciale - ceci dit sans aigreur car le plaisir me reste, et quelques fins lecteurs aux commentaires de qualité le partagent.
     
    Ce mercredi 12 juin. – À mon tribunal secret, je m’accuse ces jours de perdre beaucoup de temps à traîner. Ce n’est pas bien : c’est mal. Notre cher François Mégroz, grand lecteur et commentateur de la Commedia de Dante définissait ainsi le mal : le non-Être. C’est cela même et je dois y penser à tout instant, sans trop réfléchir. Bien entendu, le Fantaisiste se défend en invoquant l’importance du pulsionnel et autres dispositions débonnaires, mais je reste, comme l’ami Roland Jaccard dont je relis Le Monde d’avant, une espèce de puritain compliqué, et le retour au pavé de D.H. Lawrence, qui va m’accompagner ces jours prochains au fil de mes réflexions personnelles sur la poésie, ne va pas simplifier la donne, et c’est tant mieux.
    Notre prof d’allemand Wilfred Schiltknecht, du genre intellectuel de gauche toujours ouvert à la Zwiespältigkeit, autrement dit à la fondamentale dualité humaine, me disait qu’il avait toujours eu, avec ma personne ne le lâchant pas du regard en face de son pupitre magistral, l’impression d’avoir devant lui sa Conscience, et je me rappelle la définition de celle-ci par Alexandre Zinoviev (« ce machin, la conscience ») en me disant que le surmoi de mes aïeules n’a cessé d’interférer avec mes fantaisies et autres notoires inconduites…
     
    Ce jeudi 13 juin. – Reposé, après une nuit de plein sommeil sans trop transpirer, et maintenant (il est 11h.20) je me dis qu’il ne faut plus traîner. Il faut, il ne faut pas, on doit, on ne doit pas : je me le dis depuis mon adolescence consciente, peut-être même avant si je pense à l’éveil de ma conscience, probablemenet avant et sûrement dès ma dixième année.
    Or quand je dis traîner, je pense à la monstrueuse perte de temps à laquelle j’assiste aux écrans et à leur multiple périphérie, sous le signe de Pandora.
     
    Ce vendredi 14 juin. – Malgré mes craintes et tremblements de ces derniers temps, je suis arrivé au 14 juin marquant ma 77e année, sans compter les 9 mois de gestation que la tradition coréenne inclut dans le cycle de vie, j’ai retrouvé ce midi nos deux filles à La Table, où elles m’ont offert des roses, puis j’ai dormi, puis je me suis repointé sur le rivage des baigneurs, et me revoici à L’Oasis où le serveur Zoran, Serbe d’origine installé en Suisse depuis 14 ans, me raconte le périple de sa famille au temps de la guerre. Comme ile vient de la République serbe de Bosnie-Herzégovine, je lui raconte mon dernier séjour à Dubrovnik, alors que la guerre faisait encore rage sur les hauts, le montage idéologique et médiatique des Croates - qui fomentaient l'exclusion de la section serbe du P.E.N. club en congrès, et la jobardise de mes chers confrères dansant comme des ours au son du violon nationaliste...
    Ce dimanche 16 juin. - J’éprouve le plus vif besoin, ce dimanche matin, de rompre un certain cercle vicieux dans lequel je me suis laissé entraîner par la seule Habitude, au sens où l’entendait un certain Arthur Rimbaud. Or je me demande précisément, ce matin, qui était le vrai Rimbaud ? comme je me demande qui je suis vraiment ?
    J’ai esquissé hier soir un poème qui est comme la pointe d’une réflexion encore confuse, mais que je dois clarifier. Or cette question de la « marche au poème », pour parler un peu pompeusement à la manière d’un certain homme de lettres suisse allemand, devrait m’occuper ces prochains jours. Je vais d’ailleurs m’y employer dès aujourd’hui, dans mon cahier argenté. Je dois m’appliquer à tout clarifier. Je dois, il faut, la barbe, etc.
    Quant à l’esquisse de poème, la voici :
     
    La beauté que j’ai vue en toi
    reste notre secret
    que nul autre n’a deviné
    que moi, les yeux fermés…
     
    Je ne suis rien que ton reflet,
    je ne sais qui je suis,
    ni d'où tu viens, ni qui tu es
    nous sommes là comme une nuit...
     
    Je serais celui qui te parle,
    tu te tairais pour que je dise
    ce que tous deux nous ignorons
    de ce qu’en nous le ciel divise…
     
    Quant à la nébuleuse en toi,
    l’aube aussi s’y retrouve
    où l’Autre deviendra ce moi
    que l’alliance prouve…
    Et que cela signifie-t-il au juste, comme ça me vient ? Je n’en ai pas la moindre idée… Il est peut-être question d’Animus et d'Anima ? Je ne sais pas.
    Je vais jouer désormais sur les divers niveaux de confidentialité que requiert l’usage des réseaux sociaux, plus précisément Facebook. Ce sera comme un jeu et je l’inaugure, en russe, avec un constat lié au phénomène mondial de la nouvelle dépendance liant les individus à leurs petits écrans (tablettes ou portabless) qui les fait se regarder en train d’être regardés par leurs semblables usagers se regardant les regarder par milliers et millions.
    Веб-камера: тысячи, миллионы наблюдают друг за другом, и миллионы наблюдают за собой, наблюдая за ними.
    Avec les Pages valaisannes de Cingria, je fais retour à Charles-Albert, trouvant une filiation étroite entre Pendeloques alpestres et Le Canal exutoire - ce que j’ai appelé son lyrisme ontologique. comme en convient la Professorella via WhatsApp...
    Hier soir avec mes vieux amis aux cœurs verts. Tonio m’a invité en évoquant « une circonstace exceptionnelle », du genre « c’est pas tous les jours », etc. Il me fait toujours rire avec ses formules plus ou moins ampoulée, très « homme de lettres », comme lorsqu’il parle de l’amour oedipien qu’il voue à sa mère à titre posthume, après avoir vénéré son Pap’s à outrance – ce que je raille également. C’est l’homme de lettres en moi qu’en me moquant de Tonio je dégomme…
    Ce lundi 17 juin. – C’est aujourd’hui l’anniversaire de la naissance du deuxième garçom de notre deuxième fille, et comme tout va par deux dans l’univers binaire, puisque aussi bien ils se sont mis à deux pour concevoir ce deuxième enfant avant la troisième, laquelle nous rappelle à juste escient que la vérité duelle n’est avérée en création que dans le débouché du symbole trinitaire, moi qui suis apparu au quaternaire et ne saurais donc me satisfaire du seul chiffre deux ou de la réalité augmentée du seul trois, en attente de l’idéal septuor je lambine – telle étant ma façon artiste de Fantaisiste.
    Révérence alors au terrible Timothy auquel j’offrirai tout à l’heure, à partager avec ses frère et sœur : un télescope et un microscope, le premier pour se perdre en pensée dans l’Immensité des divers univers recueillie en orbe minuscule, et l’autre pour se retrouver dans l’infime majuscule du Présent - cadeau.
    Ce mardi 18 juin. – Un poème m’est venu ce matin, découlant de ma reprise de la lecture, hier soir des Révélations de la mort de Chestov, et que j’ai dédié à Pierre-Guillaume et à sa compagne Emilia, que je vais retrouver tout à l’heure au café branché de Grancy.
    Le poème, d’abord :
    Ce que dit le silence
     
    « Qui sait, dit Euripide,
    il se peut que la vie soit la mort
    et que la mort soit la vie »
     
    (Léon Chestov, Les révélations de la mort)
     
    Pour Emilia, en mémoire de Pierre-Guillaume.
    La suprême ignorance est là,
    de ne plus savoir si
    de la nuit avant l’heure,
    ou du jour et ses leurres
    sont ce qu’ils sont ou ne sont pas…
     
    L’étrange chose qu’une rose
    qui ne parle qu’en soi
    et dont jamais aucune foi
    n’osa dire qu’elle dispose…
     
    Les mots ne voulaient dire que ça:
    qu’ils savent qu’ils ignorent
    que le silence dort,
    et que la mort n’existe pas…
     
    (Soir) - Repris ce soir, non pas à mon Oasis de presque tous les soirs mais à une terrasse de Villeneuve où je ne retournerai pas à cause de son serveur narcissique se la jouant copain-copain-olé-olé, la lecture du livre de Quentin, que je prends de plus en plus au sérieux. Les critiques que j’en ai lues me font penser que, justement, on ne le prend pas vraiment au sérieux, concluant notamment à la superficialité de ses personnages. Or c’est inexact, ou disons plus précisément que la « surface » de ses personnages, vivant en effet dans l’immanence au (dé)goût du jour, est traitée par l’auteur avec une rare pénétration psychologique et avec une foison de détails significatifs quant à l’époque et aux particularités de chacun.
    L’on ne voit pas assez, non plus, le caractère proprement poétique de son travail sur le langage, et plus précisément sur la novlangue des temps qui courent, et quand je dis langage je ne parle pas seulement de ce que disent ses personnages mais de leurs gestes, de leurs postures sociales ou intimes, du langage de leurs corps, de leur idéologie latente ou patente. Tout cela restant à détailler, prénom par prénom, car c’est par là qu'ils se distinguent, se ressemblent ou s’opposent, et c'est à quoi je vais m'exercer dans ma prochaine chronique...