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  • Panique pour rien

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    (Notes d’hosto, 2)
     
    Nullement disposé de nature à la panique ou à l’affolement (enfant j’étais le petit rêveur à sa fenêtre, qu’un rapport scolaire de sa huitième année disait nonchalant, voire indolent), je n’en ai pas moins été perturbé à outrance, ce dernier dimanche soir, après avoir bu un verre autorisé de Brunello, quand une subite sensation d’oppression m’empêchant quasi de respirer , accompagnée d’une pulsation soudaine accélérée et de vertiges quand je me suis levé de la table où je consignais mes notes de lecture sur Le Mage du Kremlin, m’ont effectivement saisi du besoin d’appeler au secours l’une ou l’autre de nos filles, mais c’est sans paniquer psychiquemnt - je m’observais et me préparais à telle ou telle décision avec lucidité -, sans me laisser aller à l’agitation imbécile qui s’emparait de mon corps , certes excédé par l’impossibilité d’appeler à l’aide (mon phone étant resté dans la voiture, à trois cents pas plus bas que notre nid d’aigle de La Désirade) mais l’esprit clair décidant de faire ça et ça, rejoindre la tire sans oublier la loupiote, appeler Sophie qui m’ordonnerait sûrement d’alerter le 144, et ma voisine Maritou, contactée entre-temps par notre infante aînée, m’attendait là-bas quand j’ai exposé ma situation au veilleur de la centrale des médecins - une autre voix que le jour de mon premier infarctus, après quoi toute effet de panique s’est effacé avec la présence des ambulanciers et de la jeune médecin tout rutilants de compétence dans leurs uniformes et leurs gestes appropriés..
    En ses derniers jours, Lady L m’a dit qu’elle avait l’impression que son corps glissait hors d’elle , à croire qu’elle n’était plus qu’esprit, souffle et même sourire, pauvres mains amaigries par la putain de maladie, bon regard douloureux mais si vivant - bref j’ai attendu, depuis mon arrivée aux urgences, plus de quinze heures et ce lundi soir, après la coronographie révélant une détérioration effectivement dangereuse d’un vaisseau obstrué a 99 o/o, un quart d’heure de manipulation de haut vol, avec vue à l’écran de mon araignée cardiaque traversée par les infimes tubulures réparatrices - pour l’installation du sixième ou septième stent dont ma carcasse est désormais appareillée dans sa mutation robotique, etc.
    Ainsi donc, sans avoir vraiment paniqué, j’aurai laissé la main invisible d’un bon instinct me conduire aux mains de l’habile colosse réalisant à vue ce prodige curatif...
    Ce même soir cependant, soulagé dans mon pieu médicalisé , je me suis retrouvé au bord des larmes en voyant défiler les images de la tragédie absurde survenue à Séoul où plus de 15o de nos frères humains, pour la plupart des jeunes, ont été broyés dans le chaos d’une panique de masse liée à la célébration de la fête la plus idiote, la plus vide de sens et la plus hideuse par sa mascarade qu’ait répandue au monde la sous-culture américaine - cet Halloween que je vomis en pleurant ses victimes...

  • Juste l'impensable

     
    (Le Temps accordé, Lectures du monde 2022)
     
    À l’Hôpital régional de la Dolce Riviera et environs, ce 2 novembre 2022. - Il m’a fallu revenir en catastrophe aux urgences de cet hosto, copy cat de l’épisode marqué par un premier clash cardiaque, en décembre 2019, pour commencer vraiment à réaliser ce qu’aura vécu Lady L., d’une façon tellement plus violente, dès le diagnostic terrifiant d’un angiosarcome du cœur à la fois rarissime et inguérissable, et durant les huit mois qu’elle nous est restée après qu’on lui en eut concédé deux ou trois ... A la fin , Les oncologues du CHUV l’appellaient leur petit miracle, lequel avait commencé avec une opération à cœur ouvert de huit heures qu’un jeune médecin qui y avait assisté m’a décrite comme juste incroyable...
    En rémission d’un cancer en somme périphérique de la glande masculine, après 55 séances d’accélérateur linéaire, je crois entrevoir ce qui distingue cette atteinte du Crabe de celle qui s’en prend au cerveau ou au cœur, par delà les symboles que représentent ceux-là.
    Une chose est un accident cardiaque, bien autre chose un cancer du cœur, à la fois impensable et difficilement imaginable. Or je la voyais toute désolée et presque s’excusant, seule confrontée vraiment à ce qui se passait au cœur de son corps, avant l’opération, et ensuite dans la diffusion sournoise des métastases. La très intelligente Susan Sontag, que j’ai rencontrée une année avant sa mort, s’est efforcée de mettre en mots cette maladie, comme d’autres ont essayé de dire le sida, mais ce qu’aura réellement vécu ma bonne amie ou la merveilleuse épouse de Dimitri victime d’une tumeur au cerveau, qui pourrait le penser ou même l’imaginer ?
    Les religions diverses ont tout un arsenal de formules visant à affronter ou exorciser ces ratés les plus manifestes de l’admirable Création, comme à la naissance des enfants malformés, sirenomèles ou nains à tête d’oiseaux. Mais dire, imaginer seulement la réalité ressentie et vécue par les victimes de la négligence ou de l’injustice de celui qu’on appelle Tout Puissant ou Très Miséricordieux?
    Pas une fois cependant Lady L. n’a maudit la vie ni quoi ou qui que ce fût, identifiant juste son mal sous la figure de La Bête, et parlant avec une sorte de politesse tranquille de la Dame en noir...
    Dorloté par les soignants de l’hosto où tout est fait pour acclimater toute forme de douleur - je revois ma bonne amie estimer la sienne sur une échelle de 10 après avoir rappelé sa date de naissance pour la énième fois sur le chemin de son calvaire en refusant la morphine offerte - je n’ai plus que les murs blancs qui m’entourent pour esquisser les figures de l’angoisse non dite, de la terreur ravalée, de la rage et du désespoir retenus par quelle pudeur, sur quoi tu fermes les yeux et tu pries si ça te chante, ou tu chantes juste faute de penser, comme elle aimait t’entendre ...
     
    (Suit un air déchirant amorcé par les mots « Lucevan le stelle »...)