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  • Merci l'hosto

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    (Le Temps accordé, Lectures du monde 2022)
     
    À l’hôpital,ce mardi 1er novembre 2022.- Me réveillant tout à l’heure sans savoir où je me trouvais, dans ce lit trop étroit et cette odeur a la fois inhabituelle et vaguement révulsante mais avec quelque chose de paisible et de même rassurant , et ensuite ces cathéters plantés dans mes deux bras, ces fils à électrodes devant et derrière, au plafond gris cette énorme potence articulée et cet appareil évoquant un module spatial suspendu à un rail traversant tout le même plafond, la nuit à la grande baie vitrée, un chapelet de gouttes lumineuses signifiant une probable pluie nocturne (ressouvenir du dernier ciel d’hier soir nuageux à couvert) et la foison de petites lumières au-delà du parking de l’hôpital, vers les zones industrielles et le lac et les pentes boisées à la -brésilienne encore fondues au noir de la nuit - tout ça m’a suggéré cette première pensée matinale que j’aura plutôt aimé l’hôpital, depuis mon premier séjour de petit opéré de l’appendicite, l’année des réfugiés hongrois, en tout cas apprécié l’expérience de l’hôpital, comme j’ai aimé et apprécié l’expérience de la caserne et de l’uniforme, jusqu’au procès que m’a fait l’armée pour refus de grader.
     
    Je dirais plus précisément ce matin: comme une tendresse, sans m’opposer au rejet de l’hôpital qui animait Lady L, et sans doute en voyant l’hôpital comme un moment exceptionnel de la vie, comme hors du temps et plus près des gens, même un peu désagréables comme certaines infirmières à vrai dire assez rares, ou quelques infirmiers encore plus rares mais vraiment cons, dans un rapport à la fois plus fragile et presque intime marqué par un certain abandon et pas mal de confiance aussi. Plus de vérité humaine souvent, en bien d’ailleurs comme en moins bien, personne ne l’ayant mieux dit que notre ami Tchekhov.
     
    Chose sûre ce matin: j’ai survécu de justessse à un deuxième infarctus, comme je le redoutais dans ma panique soudaine de dimanche soir, en attendant l’ambulance, et plutôt serein après l’intervention d’hier et la pose d’un stent coronarien de plus , installé avec maestria par un colosse d’origine bulgare fier de son accent vaudois, trapu et massif comme un de nos lutteurs à la culotte et les mains toutes fines, très attentionné dans ses explications - et ce matin tout roule ma poule, enfin comme qui dirait...

  • Lectures du monde

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    (Notes d’hosto, 3)
     
    Le Temps accordé sera le septième volume de mes Lectures du monde, amorcées par L’Ambassade du papillon il y aplus de vingt ans de ça et suivi des Passion partagées, des Chemins de traverse, de Riches heures, de L’échappée libre et de Mémoire vive (encore inédit) représentant autant d’éléments à la fois intimes et extimes d'une chronique dont je pressens que le septième sera le dernier - chacun des livres ayant été dédié à ma bonne amie dont les derniers mots, le 13 décembre 2021, furent adressés à sa petite aînée approchant de la quarantaine : « Mami veut dormir... »
     
    Or me retrouvant ce soir dans une chambre cinq étoiles de l’hôpital régional que son frère gauchiste appelait l’usine à soins et où nous nous sommes accompagnés plusieurs fois, j’ai vu le soleil disparaître tout à l’heure derrière le Grammont dont elle nous a laissé quelques peintures et les mots qu’elle avait élus pour tenir bon durant ses derniers mois arrachés a la mort annoncée me reviennent : sérénité et reconnaissance.
     
    Lady L ne croyait pas à la résurrection au sens de la théologie dogmatique ( elle l’avait répondu crânement à Georges Haldas qui la sondait à ce propos d’un ton presque inquisiteur), elle ne croyait pas plus que moi à la divinité du Rabbi Ieshouah, mais son attention aux autres et notamment aux nombreux jeunes migrants qu’elle avait la charge d’instruire en notre langue, après avoir enseigné la grammaire et la poésie en ses premières petites classes, et plus généralement son attitude avec tous, ouverte et généreuse, jamais idéologique même en ses quelques années de sympathisante des causes africaines, sa méfiance fondée envers les églises et les sectes (sa mère orpheline avait été dégoûtée par les sœurs catholiques néerlandaises), notre refus d’un mariage religieux, la totale liberté laissée à nos filles et ses vœux pour une cérémonie d’adieu dont je serais l’officiant - tout cela faisait d’elle un bonne personne dont la présence nous éclaire encore et c’est ainsi qu’avec nos filles nous avons conçu cette cérémonie de lumière au lendemain de sa mort.
     
    Je ne regarde plus la télé depuis des années, sauf à l’hôtel ou à l’hôpital, et je m’en suis félicité une fois de plus hier en zappant sur une soixantaine de chaînes dont la futilité, la platitude, la vacuité des programmes m’a semblé pire que jamais , à quelques exceptions documentaires près - où ce merveilleux Requiem de Mozart rescapé du festival de Salzbourg - mon seul intérêt se concentrant sur la réalité plus gravement affligeante des tragédies ukrainienne et coréenne.
    D’où mon bonheur ensuite après la visite de notre fille aimée et de son bon ami de me plonger dans un roman de leur choix procédant lui aussi d’une vraie lecture du monde, signé Somoza et intitulé La Théorie des cordes, mêlant énigme criminelle et superbes développements para scientifiques dans le domaine de la physique quantique - retour donc à la vraie réalité en ses ombres et lumières...