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Le Grand Tour

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45. Génération Dégage !

Un court métrage sortant pour ainsi dire du four, très bien cadré et pensé, très bien réalisé aussi, (magnifiques images et montage à l’avenant), apporte aujourd’hui un témoignage kaléidoscopique précieux sur la perception de la « révolution » tunisienne par ceux qui l’ont vécu entre enfance et adolescence.
Les auteurs, Amel Guellaty et Yassine Redissi, sont eux-mêmes de tout jeunes réalisateurs, qui insistent, ce qui se discute, sur le fait que la révolution ait essentiellement été le fait de la jeunesse tunisienne.
Le tout début de la première moitié du film tend ainsi à privilégier l’aspect festif et juvénile des manifestations. Puis s’enchaînent, sur des thèmes variés, les propos recueillis auprès d’une brochette d’enfants de 7 à 15 ans, tous issus de la classe moyenne citadine éduquée, reflétant souvent l’opinion familiale.
On pense aussitôt à la série romande mémorable des Romans d’ados en regardant Génération dégage, dont les auteurs ont la même façon de faire « oublier » la caméra aux premiers cinq enfants « typés » autant qu’on peut l’être à cet âge.
Il y a là Seif, le seul garçon, 9 ans, qui a son profil sur Facebook, constate que la démocratie oblige à porter le niqab ou la barbe (il trouve ça sale) et se réjouit de voir partir Ennahdda. Il y a la petite Maram, 7 ans, qui n’aime pas la démocratie au nom de laquelle on a « tué des tas de morts ».
Il y a Chahrazed, 13 ans, qui ne dit que des choses pensées et sensées. Il y a Sarra, 12 ans, qui estime que l’Etat ne doit pas se mêler de religion. Les thèmes défilent (la démocratie, la violence, la politique, Facebook, les manifs), suscitant autant de propos naïfs ou pertinents que la sociologue Khadija Cherif commente à son tour avec tact et réalisme.
En sa deuxième partie, réalisée dans une école préparatoire mixte de Maktar, dans le gouvernorat de Siliani, le ton et le discours de ces enfants de chômeurs et de paysans pauvres changent complètement. Timides devant la caméra, les ados répondent sans hésiter, au prof qui les interroge, que c’était mieux « avant » la révolution : que les seuls changements qu’ils ont observés depuis les élections se limitent à la hausse des prix et à l’augmentation du chômage.
Après une hésitation, l’un des garçons, qui daube sur les salaires des dirigeants, lâche d’un air accablé : « Ils nous ont rien laissé, M'sieur ». Un autre, visiblement le fort en thème de la classe, qui affirme qu’il fera de la politique plus tard afin d’aider son pays, constate que même avec les meilleurs résultats les chances de poursuivre des études sont de plus en plus difficiles. Une jeune fille, enfin, évoque la situation de sa famille, où son père chômeur ne parvient pas à offrir des études à ses quatre filles.
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On n’est plus ici dans l’ambiance politico-médiatique de la Tunisie des manifs, dont la fraîcheur juvénile se veut réjouissante dans la conclusion du film, mais dans la réalité terre à terre de la Tunisie profonde, dont le regard des jeunes, fixant la caméra sans trace de cabotinage, interpelle et fait mal.
En un peu plus de trente minutes, alliant un propos cohérent de part en part et de très remarquables qualités plastiques, les jeunes Yassine Redissi et Amel Guellaty ont composé un tableau évidemment partiel mais dont les « couleurs » fortement contrastées sont d’un apport déjà considérable dans l’aperçu d’une réalité tunisienne à multiples faces.
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365001455.jpgOr à quoi ressemblera la Tunisie à venir de ces enfants confrontés, dès leur plus jeune âge, à des notions idéologiques encore abstraites et des réalités très concrètes, des débats et des manifestations vécus en famille, des tensions religieuses, des sacrifices de martyrs (l’immolation de Mohammed Bouazizi) ou des meurtres politiques (l’assassinat de Chokri Belaid) vécus comme des traumatismes collectifs ?
Le premier mérite de Génération dégage est de nous les montrer, ces très jeunes Tunisiens, ou tout au moins quelques-uns d’entre eux, à la veille de nouvelles élections et de nouvelles données qu’on souhaite bénéfiques à leur cher pays…

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