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  • Ceux qui résistent à la folie

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    Celui qui s’exclame « Soyons fous ! » sur Facebook et récolte aussitôt des milliers de « J’m » et autres « Merci d’exister Jean Paul ! » /Celle qui répand le bruit par Twitter que Shakeaspeare aurait été misogyne et antisioniste avant l’heure / Ceux qui exaltent la folie sur France-Culture et vont ensuite prendre un verre chez Francis / Celui qui taxe d’élitisme son cousin Pyrame qui lit les Mémoires de Saint-Simon dans son coin / Celle qui n’a pas lu une ligne de Saint-Simon mais a entendu dire que ce royaliste avéré ne comprenait rien à la paysannerie française de son époque donc c’est pas demain qu’elle va s’y mettre / Ceux qui voient de qui parle le méchant petit duc quand il écrit : « Il sent le faux en tout et partout en pleine bouche » / Celui qui se sent de plus en plus libre et léger à l’écart de ceux qui l’ont exclu de leur groupe de conscience / Celle dont la folie ordinaire enrichit tous les jours son carnet d’adresses / Ceux qui ont planifié la vente des organes de leur aïeule bavaroise dans la centrale de traitement des défunts en relation avec l’Ukraine et la Bulgarie / Celui qui ne trouve aucun attrait au « dérèglement systématique des sens » prôné par des masses de profs en pantoufles / Celle qui voit un nouveau Rimbaud en son fils Kevin dont elle espère juste qu’il ne vire pas trafiquant de carabines au Harrar / Ceux qui voient la folie ordinaire s’étaler dès qu’ils ouvrent la télé mais de plus en plus rarement à vrai dire / Celui qui aime la naturelle contre-folie des enfants hélas menacée de passer plus vite que la sienne / Celle dont la contre-folie se concentre dans la réalisation de vieilles recettes picardes et dans la lecture de Madame de Sévigné / Ceux qui vous menacent de ne plus vous parler si vous ne lisez pas le dernier Pancol / Celui qui n’a plus aucune curiosité hors des questions d’orientation sexuelle différente / Celle qui croit tout savoir parce qu’elle est connectée / Ceux qui estiment pièces en mains que Voltaire DOIT être présenté aux lycéens français en tant qu’islamophobe misogyne /  Celui qui se shoote à la moraline avant d’émettre le moindre jugement / Celle qui trouve insupportable la liberté des ses voisins hétéros se roulant des pelles devant les enfants de sa compagne Albertine sur fond de Couperin ce réac / Ceux qui sont fous à lier de servitude volontaire / Celui qui dit vivre dangereusement non sans s’inquiéter de sa retraite dans vingt-sept ans / Celle qui revient sans arrêt à elle au point de couper les ailes de Fernando ne pensant qu’à s’envoyer en l’air / Ceux qui prétendent sécréter l’Hormone du Bonheur / Celui qui ne trouve aucun romantisme à la sinistre destinée de Wölfli le dingo tout en trouvant à ses peintures une beauté quelque part libératrice / Celle qui traite son client de massage comme une poupée d’enfance / Ceux qui connaissent les trous noirs mentaux sur fond d’univers de cordes de violons que provoque une dose excessive de la substance que vous savez / Celui qui n’a jamais eu besoin de dope pour contrer la folie normée / Celle qui vit Facebook comme une analyse à meilleur marché / Ceux qui se branchent Techno au nom du vivre-ensemble à fond la caisse / Celui qui se fait un nouveau Programme Santé avec lecture du dernier Michel Onfray dans le bain maure / Celle qui recopie de Saint-Simon : « Ecrire l’ennui, les douleurs, la tristesse, les mélancolies, la mort, l’ombre, le sombre, etc., c’est ne vouloir, à toute force, regarder que les puérils revers des choses » / Ceux qui craignent les fêtes qui ne sont pas que « de grands rassemblements de bruit » / Celui qui se sent libre dans une Nature libre au milieu de gens qui aiment clabauder librement et dire n’importe quoi sans précaution / Celle qui dénonce les génocides avec la vertueuse fureur des génocidaires / Ceux qui ont choisi leur camp avec vidéo-surveillance et ateliers protégés / Celui qui écrit comme on pianote sans piano et s’impatiente surtout de publier / Celle qui sent « le secret dans le point » mais n’en dira rien / Ceux qu’on dit spéciaux non sans raison / Celui qui vit sa vie comme un roman genre Philippe Sollers dans Médium entre la Giudecca et la rue du Bac / Celle qui prend le bac pour rejoindre son amoureux au château d’Elseneur où l’ambiance est tendue / Ceux qu’épate chaque coup de pinceau de Manet / Celui qui ne voit aucun vice chez son ami très très débauché / Ceux qui ne sont pas fous au point de se faire euthanasier en Suisse, etc.

     

    Peinture: Adolf Wölfli.

     

    (Cette liste découle de la lecture de Médium, dernier roman de Philippe Sollers, d’une fluidité limpide et d’une tonicité revigorante - son meilleur depuis le précédent, sans compter Fugues…)  

  • Ceux qui donnent la parole au langage

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    Celui qui écoute ce qui se dit dans l’intimité de la rondeur / Celle qui émiette son petit pain chaud dans le tea-room aux confidences / Ceux qui affirment leur amour de tout par transfert verbal / Celui qui sonde les étymologies de la solitude dans toutes les langues où elle est exprimée / Celle qui en revient à Shakespeare en vue de son étude sur le théâtre des lointains / Ceux qui scient la langue de bois pour en faire des porte-plumes / Celui qui a recueilli les derniers contes du Frioul / Celle dont la mère parlait comme un livre d’images / Ceux qui ont passé leur vie à rechercher le grand langage oublié /Celui qui reste à l’écoute de quelle petite phrase bouleversante au cœur d’un être / Ceux qui croient entendre des accents berbères dans le dialecte uranais / Celui que la structure tressaillante de la première bulle qu’il a formée en sa tendre enfance continue d’émouvoir en tant que sphère issue d’un souffle / Celle qui s’est sentie seule quand la bulle a éclaté dans le jardin portugais / Ceux qui réparent les vivants dans la rumeur des appareils / Celui pour qui tout est langage à l’exclusion du bruit humain pour rien / Celle qui use de son temps de parole afin de ne rien perdre de la présence du beau prisonnier mal rasé / Ceux qui ont lu tout le théâtre disponible à la bibliothèque du quartier des Furets sans oublier bien sûr Les Thermophories d’Aristophane / Celui qui rend ses devoirs de physique en alexandrins boitant juste où il faut / Celle qui propose des titres de pièces au nouveau Sacha Guitry de la classe de Mademoiselle Siphon / Ceux qui laissent leurs phrases en suspens au bord du sommeil genre Shelley shooté / Celui qui ne dira pas tout à sa mère et lui sait gré de ne pas tout lui dire non plus / Celle qui se révèle poète à sa façon en déclarant, son bifteck avalé, qu’elle vient de se« faire toute la fesse d’un Monsieur Bœuf » /  Ceux qui voient le consul du Pérou perdre contenance dans le grand appareil de chapeaux et de croupes des Dames de Montorgueil lui balançant des vannes / Celui qui ayant lu tout Céline se serait efforcé de ne jamais l’imiter s’il avait écrit autre chose que de la musiquemilitaire / Celle qui parle detonne à propos de l’impact physique et spirituel des sermons de l’exaspérant Bossuet/ Ceux qui pouffent carrément en relisant Lautréamont le play-boy gothique / Celui qui traduit Jo Nesbo en braille avec du sang partout / Celle qui descend au fond de chaque mot comme dans un puits mais sans bottes / Ceux qui murmurent comme des défunts s’éloignant dans les mémoires qui les oublient dans l’heure /Celui qui décide ce matin que Palindrome gouvernera sa journée prise à l’envers/ Celle qui ne confie ses enfants qu’à des bonnes volubiles genre commères de Douala / Ceux qui font dire au langage tout ce qu’il peut mais le non-dit est aussi très très très important vous savez Madame Sturm, etc.      

     

    Peinture: Adolf Wölfli.

  • Ceux qui arrondissent leur fin de Moi

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    Celui que son Ego surdimensionné contraint à l’achat de cravates mythiques voire cultes / Celle qui taxe d’égocentrisme tous ceux qui évitent de lui tourner autour / Ceux qui disent leur Moi haïssable  et s’en félicitent en toute modestie non sans vous remercier de rester vous aussi tellement simple n’est-ce pas / Celui qui écrit « Moi-je est un autre » sans qu’on sache lequel et d’ailleurs on n’en a rien à souder / Celle qui fait le tour de son Moi et puis s’en va comme ça sur sa Lambretta / Ceux qui considèrent que leur Moi est une île à laquelle les Elles et les Ils peuvent accéder s’ils ont le ticket / Celui qui dérobe furtivement la vue de son Moi à son Surmoi / Celle qui échangerait Moi prenant l’eau contre Soi bien équipé donnant sur la garrigue / Celle qui ne commence jamais ses phrases par l’exécrable « Moi-Je » mais par l’adorable« Vois-tu » / Ceux dont le culte du Moi les occupe à la petite semaine / Celui qui parle volontiers de ses multiples Moi en attendant qu’on lui réclame la visite guidée /Celle qui ne parle jamais d’elle dans ses bas de soie / Ceux qui n’en ont rien à cirer du Moi-tu-vu d’à côté/ Celui qui compte se présenter Là-Haut avec son Journal d’un Moi genre Rousseau au temps de l’Être Suprême mais en plus socialement concerné / Celle qui se positionne au niveau d’un Moi ouvert à l’Autre et plus si affinités / Celui qui n’a jamais considéré que son être-au-monde puisse être circonvenu physiquement et moins encore métaphysiquement dans les limites de ce qu’on appelle un corps et moins encore dans l’illimité présumé de ce qu’on appelle une âme même si celle-ci lui pèse depuis quelque temps et que son corps  aussi ma foi / Celle qui te dit comme ça que l’homme a conçu la montre après que Dieu l'eut fait du Temps  - et ça mon cher Edgar ça ne s’invente pas, ajoute-t-elle crânement / Ceux qui remontent le fleuve du Temps avec des sagaies au lieu des classiques pagaies des bons Pères Blancs / Celui qui n’a ni Moi ni Loi mais te voue un amour qui va de soi / Celle qui ne voue pas à son Moi un intérêt particulier tout en prenant le meilleur soin de sa mythique paire de nibards / Ceux qui en reviennent fatalement aux clopes de leur jeunesse de marque Symphonie, etc.    

  • Ceux qui s'allongent

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    Celui qui la fera courte sur le divan long comme un jour sans violon / Celle qui réclame un tarif familial en invoquant le Surmoi / Ceux que le côté monoplace du divan contrarie en tant que bipolaires amateurs de side-cars / Celui qui annonce gravement à sa cliente que son souterrain est habité / Celle qui promet à son nouveau psy de le révéler à lui-même vite fait / Ceux qui se rappellent soudain la voix de leur maison d’enfance / Celui qui te fait remarquer qu’être malade signifie manquer d’inspiration avant de te servir son classique Bloody Mary en fin de séance / Celle qui a longtemps cherché un psy qui ait le sens de l’humour avant de rencontrer son bodybuilder luthérien sémillant se réclamant de Laing et des Marx Brothers et ne demandant rien sauf qu’elle lui dise tout  /  Ceux qui redoutent le côté pervers du célibat où chacun reste sur son garde-à-vous / Celle qui s’est glissée dans le mariage comme son violon dans l’étui qu’elle ouvre pour jouer quand elle s’ennuie /Ceux qui estiment que les exagérations freudiennes (pointées par Adorno) sont les meilleures passerelles vers une littérature un peu crédible /  Celui qui en revient à son premier meurtre onirique avec une sorte de soulagement / Celle qui a échappé à la dépression grâce au country et à sa Bugatti / Ceux qui ont choisi l’analyse pour métier en raison de leur goût récurrent pour les gossips / Celui qui n’a jamais pris très au sérieux la psychanalyse tant ses sectateurs faisaient les mystérieux à l'épicerie du quartier / Celle qui enjoint Robert-Henri de se positionner enfin clairement par rapport à Jung/ Ceux qui ont des gueules d’archétypes mais seraient plutôt lacaniens sauvages dans leur pratique des associations verbales d’avant l’aube /  Celui qui n’a jamais cherché autre chose que cette petite phrase bouleversante au cœur d’un être dont le secret n’a pas à être divulgué  /  Celle qui voit  à ses nuits blanches des reflets fauves / Ceux qui n’en ont qu’au démontage des tours d’illusion, etc.  

    Peinture: Middendorf