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  • Le bonheur en passant

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    Une lecture de La Divine Comédie (36)

    Le Purgatoire. Chant II. Le jour se lève sur l’île. Arrivée de l’ange nocher débarquant une centaine d’âmes. Le chant de Casella. Remontrances de Caton le rabat-joie et débandade.

    L’île-montagne du Purgatoire est lieu de transition, de purification et de transmutation par excellence ; mais c’est aussi une sorte de préfiguration terrestre du Paradis et, comme l’écrivait Philippe Sollers, « une image continue de la condition poétique ». D'ailleurs, au chant XXXIII apparaîtra, comme un double moins éthéré de Béatrice, la belle dame au nom de Matelda, « chantant comme femme amoureuse » et passant, selon les dignes dantologues, pour une incarnation du bonheur terrestre.

    !B-(7p+QEGk~$(KGrHqIOKj!EzJreTcCpBM8k!jzdZQ~~0_35.JPGCelui-ci, dans le deuxième chant, est également évoqué dans une scène très émouvante, après les retrouvailles du poète et d’un sien ami au nom de Casella, poète et musicien défunt débarqué en cette même aube d’une barque contenant une centaine d’âmes et conduite par un ange à turbo-propulsion et aux ailes flamboyantes. 

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    Question décor et effets spéciaux, un Salvador Dali eût rendu à sa façon l’apparition quasi surréaliste de l’ange-nocher et de sa barque surfant pleine d’ « ombres vaines » sauvées des eaux infernales de l’Achéron, mais ensuite l’atmosphère se transforme quand le troubadour Casella, sur la demande de son ami, se met à chanter un poème de Dante lui-même, tiré du Convivio et commençant par les mots « Amor che ne la mente mi ragiona – Amour qui raisonne en mon cœur » … 

    Et Dante de commenter : « Mon maître et moi, et tous ces gens / qui étaient avec lui semblaient ravis / comme si rien d’autre ne leur touchait l’esprit ».

    Sur quoi le vieux Caton, rabat-joie en sa fonction de gardien des lieux, s'en vient interrompre le délicieux récital en rappelant à la compagnie qu’elle n’est pas là pour se divertir :

    « Nous étions tous fixes et attentifs

    à son chant, quand tout à coup l’honnête vieillard

    s’écria : « Qu’est-ce là, âmes lentes ?

    quelle négligence, quelle halte est ceci ?

    Courez à la montagne y dépouiller l’écorce

    Qui ne laisse pas Dieu se montrer à vous ! »

    Un Romain suicidé qui se la joue fonctionnaire de Dieu : il faut être Dante pour nous faire avaler ça !

    Mais la troupe se débande bel et bien, « laisse le chant » et court « vers la côte comme un homme qui va et ne sait où »…

    L'on n'en est, alors qu'à l'Antépurgatoire, mais déjà la promesse du Paradis arrache les pèlerins aux bonnes choses d'ici-bas ! Est-ce vraiment le meilleur choix ? La lectrice et  lecteur en verront bien d'autres !

     

    DivCo.jpgDante, Le Purgatoire. Traduction et préface de Jacqueline Risset. GF.