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  • Nostra cara gioventù

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    Chemin Faisant (4)

     

    Du fantasme de Trevi. – Ils n’osent pas, hélas, franchir le pas, ils reviendraient bien à minuit, elle malgré son embonpoint, et lui malgré ses cheveux de vieille souris, se jeter dans la grande vasque, mais à minuit tous deux pioncent après une exténuante journée à rentabiliser le Passeport Musées…      

     

    De la combinazione. – Au marché de Marina di Carrara vous attend Khaled et son étal de jeans de toutes les tournures et tous à dix euros, que vous essayerez sous le regard narquois des matrones -  et pour un euro de plus le petit marchand vous filera la marque de votre choix, Gucci ou Dolce Gabbana, que votre moitié y coudra volontiers…     

     

    De l’espèce future. – Sorry Sior Scrittor, dirais-je ce soir à Guido Ceronetti en traversant ses collines de Toscane plus douces que nulle part ailleurs, scusi Signor mais je récuse votre façon de récuser toute descendance humaine au profit de l’Aragne ou du Scarabée plus dignes que nous, selon vous, de nous survivre – et  qui dira donc la beauté des Crêtes siennoises en votre paradis retrouvé de blattes et de scolopendres, cher misanthrope que je soupçonne, quand les moustiques attaquent, de ne pas lésiner non plus sur le Fly Tox…

     

    (Marina di Carrara, le 24 mai 2009)

     

    Image: Anita Ekberg et Marcello Mastroianni, dans La Dolce vita de Federico Fellini.

     

    Ceronetti.jpgGuido Ceronetti. Insetti senza frontiere. Adelphi, 2009.

  • À la paresseuse

     

    notes de voyage

     Chemin faisant (3)

    Langueurs. - A Rome certains jours la chaleur devient touffeur et même bouffeur, car la touffeur bouffe comme une robe se mouvant un peu sous la molle brise de plus en plus chaude, et quand l'air succombe lui-même à la touffeur la robe bouffante et suante se met à couler jusque dans nos dessous ou tout désir s'étouffe...

    notes de voyagenotes de voyageDe la fraîcheur - Au Capitolino les éphèbes d'Hadrien ont toujours le téton dur et le sourire doux, et quelques déesses à la douceur égale de marbre pur sous la caresse attendent avec eux la nuit - et comme la clim fonctionne et que tout est beau, comme à l'antique nous resterions là des heures à regarder le Temps qui passe...

    notes de voyageDes îles de Rome. - Avec L. on se balade sans cesser de relancer nos curiosités, en a-t-on marre qu'on en redemande de jardins en terrasses (hier soir c'était de limoncelli qu'on redemandait tant et plus au coin de la place Saint-Eustache où se boit le meilleur café de Rome tandis qu'un émule de Paolo Conte sussurait en sourdine) et d'allées en promontoires dont la vue prend toute la ville, comme au débouché de la ruelle  Socrate, à l'instant, sur le Monte Mario ou ce vieux chat se gratte... 

     

    Images: éphèbes du Capitolino, et Pincio.

     

  • Chemin faisant (2)

    notes de voyage

     

    De la profusion.- C'est la seule ville au monde où le tout afflué de partout participe en fusion à la totalité du tintamarre et du tournis de saveurs et d'images kaléidoscopiques, tout s'y fond du présent et de tous les passés, tout se compénètre et rejaillit et se tisse et se métisse dans un flux de pareil au même  - et ce matin même au Trastevere désert tout retentissait encore dans le silence retombé de la nuit traversée... 

    notes de voyageDu pasticcio.- Tout est mélange extrême dans la catholicité païenne que figure l'éléphant de la Minerva portant l'obélisque et la croix sur quoi ne manque que le logo de McDo, et c'est le génie des lieux et des gens qui déteint sur tous qui fait que chacun se la  joue Fellini Roma, ce matin au Panthéon où  l'on voyait deux sans-emplois déguisés en légionnaires romains s'appeler d'un bout à l'autre de la place au moyen de leurs cellulaires SONY, et défilaient les écoliers et les retraités de partout, se croisaient les lycéens et les pèlerins de partout sous le dome cyclopéen, et le vieux mendiant au petit chien et l'abbé sapé de noir à baskettes violettes, et sept soudaines scootéristes surgies sur le parvis du temple des marchands - tout ce trop se mêlait, ce trop de tout, ce trop de vie de notre chère Italie...   

    notes de voyageDe la paresse. - Promis-juré nous ne ferons rien aujourd'hui,  ni ruines, ni monuments, ni sanctuaires, ni monastères - nous ne nous laisserons entraîner dans aucun courant et moins encore dans aucun contre-courant, nous nous laisserons vivre, depuis une vie partagée nos paresses s'accordent à merveille et c'est cela, peut-être, que je préfère chez toi et que chez moi tu apprécies de concert, c'est cette facon de se laisser surprendre, ainsi ne ferons-nous rien aujourd'hui que nous laisser surprendre à voir tout Rome et boire tout Rome et nous en imprégner du matin au soir...  

     

  • Czapski et les Vaudois

     13086991_10209378587768518_6548617340242658012_o.jpg13112800_10209378610809094_6228749983676218139_o.jpg

    Un nouveau petit musée, à Cracovie, documente la vie et l'œuvre de l'artiste et écrivain Joseph Czapski, rescapé de Katyn et grand témoin du XXe siècle. Où l'histoire européenne passe par Chexbres et le couple de Barbara et Richard Aeschlimann...

    Jouxtant la gare principale de Cracovie, la paroi d'un immeuble de cinq étages est couverte d'une immense affiche annonçant l'ouverture du nouveau musée Czapski. Les mêmes affiches se multiplient en ville et jusqu'au fronton du Musée national. Ainsi se manifeste la reconnaissance, tardive mais vibrante, de la Pologne libérée à un homme qui, longtemps en exil à Paris, a représenté l'une de ses consciences inflexibles.
    28fac866-e9bb-4188-84af-211b09602940.jpgDe la vie de Joseph Czapski (1896-1993), ses livres et ceux de plusieurs auteurs (notamment Wojciech Karpinski, Richard Aeschlimann et Jil Silberstein) témoignaient déjà, ainsi qu'un film du réalisateur polonais Andrzej Wolski, diffusé du Arte en novembre de L'an dernier.


    13071728_10209378568248030_8890621243859665472_o.jpgÀ ces témoignages s'ajoute aujourd'hui un vrai lieu de mémoire, au coeur d'une ville incarnant le passé européen avec une splendeur intacte comparable à celle de Prague ou de Bruges, où des classes entières d'adolescents et de lycéens affluaient dès le lendemain de son inauguration en présences d'autres figures éminentes de la culture polonaise, tels le cinéaste Andrzej Wajda, le poète Adam Zagajewski et le leader de Solidarmosc Adam Michnik, notamment.
    13062198_10209351707576530_160954886047444402_n.jpgSi l'expression lieu de mémoire fait un peu gravement solennel, genre Verdun ou Auschwitz, elle se justifie dans la mesure où le destin de Joseph Czapski, de la première à la seconde guerre mondiale, en passant par les camps de prisonniers, le massacre de Katyn fallacieusement attribué aux nazis, l'exil et la résistance, a recoupé celui de la Pologne et de l'Europe meurtrie par les guerres et les révolutions.

    13083134_10209351707616531_5671968358406067744_n-1.jpg13055517_10209351707456527_3658320286281179322_n.jpg13082582_10209351707656532_2467014525800924939_n.jpg13100797_10209351709016566_5899514918033441216_n.jpgCependant il émane, de ce lieu de remémoration collective à valeur historique, une aura personnelle liée à la fois à l'abondante documentation biographique, familiale et artistique détaillant le parcours de Czapski, et la frémissante présence de nombreuses pages, souvent aquarellées, de son monumental journal, ainsi que la reconstitution partielle de son atelier de Maisons-Laffite et, pour couronner le tout, une quinzaine de ses tableaux dont les plus importants ont été donnés par les galeristes vaudois Barbara et Richard Aeschlimann.

    À ce propos, il faut rappeler que les amis suisses de Joseph Czapski, à commencer par Jeanne Hersch et Muriel Werner-Gagnebin, qui a sugné la premièe monographie consacrée au peintre, parue à L'âge d'homme, ont joué un rôle décisif dans les défense et illustration de son œuvre.


    Une première exposition à Lausanne, à la Galerie Melisa de Roger-Jean Ségalat, révéla au public romand cette œuvre hors-modes, qui s'est développée dans la double filiation post-impressionniste et expressionniste, avec une touche unique.
    Par la suite, alors que deux éditeurs de nos contrées (L'Âge d'homme et Noir sur blanc) publiaient parallèlement les œuvre du Czapski écrivain, premier témoin de l'archipel carcéral du goulag (dans Terre inhumaine) et passionnant commentateur de l'art du XXe siècle (lui-même se réclamant à la fois de Soutine et de Bonnard), s'amorçait une collaboration amicale et professionnelle sans pareille entre Richard et Barbara Aeschlimann, qui a donné lieu à démultiplié les expositions à la galerie Plexzs de Chexbres, devenue Maison des arts, jusqu'à la grande rétrospective du musé Jenisch, à Vevey, et sans oublier la première exposition d'envergure au musée national de Cracovie, significativement intitulée Joseph Czapski dans les collections suisses...


    13055594_10209351708896563_1430891375496084978_n.jpgAlors que de vieux démons pointent leurs vilains museaux chauvins ou antisémites dans certains milieux nationalistes ou ultra-conservateurs de l'actuelle Pologne, provoquant de massives et réjouissantes manifestations, le musée Czapski rappelle à tous, aujourd'hui, que la Pologne, martyre à diverses reprises, a survécu grâce à ceux qui auront résisté aux passions delétères et aux idéologies fallacieuses, tel Joseph Czapski.

     

  • Ceux qui lénifient

     

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    Celui qui a cessé de léninifier pour se mettre à lacancaner / Celle qui rappelle que Charles Marx ne s'est pas toujours comporté en conjoint convivial / Ceux qui ont trouvé des défauts à l'éducation selon l'Emile de Jean-Jacques / Celui qui estime que tous les étrangers ne méritent pas de devenir suisses exception faite des fortunes établies sur prédestination certifiée par les banques calvinistes / Celle qui affirme que tout étranger peut s'améliorer en Suisse pour peu qu'il accepte de trier nos déchets / Ceux qui changent de trottoir chaque fois qu'ils aperçoivent un individu adonné à la libre circulation des personnes / Celui qui s'invite chez les Schengen histoire de casser le morceau / Celle qui a découvert que son coiffeur serbe avait des tendances socialistes / Ceux qui parlent toujours de leurs kilos en trop durant les périodes de votations / Celui qui exprime publiquement son admiration au maire que sa détermination courageuse a fait perdre le tiers de ses 150 kilos en gardant intact son fameux mental de crack en arithmétique / Celle qui se demande où le maire a mis ses kilos en trop / Ceux qui  offrent du magret végétal au maire amaigri qui l'accepte au nom de l'écologie libérale / Celui qui conclut le débat en affirmant que toutes les religions se valent sauf la sienne / Celle qui est anorexique en ville et vite en surpoids à la campagne / Ceux qui expliquent au biographe qu'il y a toujours une petite fille au coeur de la femme du fameux romancier et que de cela aussi il faut tenir compte pour mieux cerner celui-ci / Celui qui ne restera pas une nuit de plus chez sa cousine tendance ultragauche qui lui rappelle le matin qu'on n'est pas à l'hôtel et qu'on fait donc son lit / Celle qui vexe son thérapeute en lui faisat remarquer que Lacan aussi portait un noeud pap rouge mais sans pois blancs / Ceux qui taxent volontiers leurs épouses légitimes d'admirables compagnes sans les emmener dans les colloques d'écrivains où de plus jeunes personnes leur parlent de leurs ouvrages avec un réel intérêt / Celui qui tombe sur les carnets intimes inédits de Petua Clark oubliés par celle-ci à la pension Belle Vista et révélant ce que les invités de Michel Drucker appellent une belle personne / Celle qui porte des manteaux de fourure bio vu que les visons dont il sont cousus ont été nourris dans les normes / Ceux qui rêvent d'une Suisse entièrement peuplée de moutons noirs / Celui qui vomit l'Helvétie des barbecues ethniquement épurés et des jacuzzis à l'eau filtrée de tous éléments étrangers / Celui qui se régale à la lecture du nouveau roman du métèque Hanif Kureishi, Le dernier mot, sarcasmant joyeusement dans la foulée d'un jeune lettreux niais (niais comme tous les jeunes lettreux) commis à la biographie d'un sanglier fameux de la littérature multimondiale assez proche de V.S. Naipaul / Celle qui m'a raconté sa visite à Trinidad de Tobago et l'inénarrable cinéma du vieux Naipaul au milieu des siens - elle prononçait des chiens / Ceux qui retrouvent volontiers les phrases limpides de Philippe Sollers à Venise dans son nouveau (faux) roman Médium  en s'amusant de le voir réduire à peu près tout ce qui se fait aujourd'hui à du sous-produit de foutoir alors que lui seul assume l'héritage de Stendhal et de Diderot et de Montaigne et de Dante et de Virgile et de Tchouang-tseu reçu à l'époque chez le Thierry Ardisson des Empires combattants, etc.                 



  • La pensée contre la force

     

    9782283029404.jpgÀ lire toute jactance cessante:  Vertige de la force, le dernier essai d'Etienne Barilier, écrit entre janvier et novembre 2015. 

    Une réponse admirablement étayée à ceux qui pensent que l'Occident n'a "rien à offrir" aux désespérés ou aux écervelés que le terrorisme attire. 

    La remise en cause radicale de l'assertion selon laquelle l'islamisme n'a "rien à voir" avec l'islam. 

    Une réflexion sur le "crime de devoir sacré" qui remonte aux sources de la violence monothéiste, avec des aperçus et des mises en rapport éclairantes sur l'évolution comparée du christianisme conquérant ne cessant de produire son autocritique - de Las Casas aux théologiens de la libération, en passant par Castellion, Bonhoeffer et Jean XXIII - et d'un islam crispé dans sa vision  de l'homme esclave de Dieu et de la femme esclave de l'homme. 

    Enfin et surtout: un  questionnement fondamental sur la fascination exercée même sur les plus grands esprits (dont un Heidegger) par la force et les puissances irrationnelles, la pureté de la force sacrée à l'état brut et la mort. 

    Etienne Barilier. Vertige de la force. Editions Buchet-Chastel, 117p.

     

    (Commentaire plus substantiel suivra)