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listes - Page 3

  • Ceux qui reprennent la mer

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    Celui qui aurait pu rencontrer Arthur Rimbaud ce matin-là dans la foule de Marseille s’il avait su à quoi il ressemblait / Celle qui ne pensait pas que le marchand d’armes Rimbaud fût si blond / Ceux qui prétendent avoir vu le nommé Rimbaud et le marin polonais Josef Korszeniowski parler commerce au pied du trois-mâts Mont-Blanc à bord duquel le second venait de débarquer des Caraïbes / Celui qui sait par cœur Illuminations sauf les pages que sa mère en a arrachées pour allumer le feu de sa cuisinière à bois de marque Le Rêve / Celle qui a assez d’imagination pour tenir son bureau fermé à clé / Ceux qui n’ont aucune expérience des femmes joviales et s’en ressentent en cuisine / Celui dont l’honnêteté a le poids et l’épaisseur d’un bloc de parpaing / Celle qui a longtemps cru que son époux Alphonse était trop bouché pour s’aviser de sa double vie jusqu’au jour où elle découvrit dans son journal intime quelle romance il vivait de son côté avec divers cochers / Ceux qui ne se froissent plus de rien en apparence tout en notant chaque fait méritant vengeance / Celui qui parle toujours de beau temps pour mieux savourer la remémoration des grains qu’il a essuyés en mer de Chine / Celle qui a enseigné le clavecin à la sœur de l’assassin à la serpe / Ceux qui ont une expérience professionnelle du sale temps en montagne et qui ont pourtant toujours les chocottes dès que se manifeste le feu Saint-Elme / Celui qui ne se rappelle plus rien de ce qu’il a appris à l’école navale sur les ouragans circulaires ni sur les femmes instables à la même époque / Celle qui tresse la natte du Chinois tandis que le ciel se charge de nues mauves et moites / Ceux qui constatent avec stoïcisme que la tornade se dirige droit sur leur carré de tomates juste mûres / Celui qui peint des ouragans mais dans la manière minimaliste conforme au marché international / Celle qui estime qu’on se fait à tout même aux tremblements de mer / Ceux qui lèvent le poing vers le ciel non sans se douter qu’il n’en a rien à battre / Celui qui estime que la chaleur de four de ce soir ferait jurer un saint sauf qu’un saint n’est pas censé avoir envie de baiser / Celle qui surveille son langage par discipline héritée de son bisaïeul majordome à London / Ceux qui ont de la peine à l’idée que les prisonniers de la soute se noieront sans même pouvoir se jeter à la mer même infestée de requins / Celui qui guette la formation d’un typhon dans la physionomie du Chef de Bureau / Celle dont la façon de parler par litotes exaspère ses collègues dactylographes majoritairement volubiles / Ceux qu’on imagine libres parce qu’il ne s’attachent à personne alors qu’ils cherchent partout un partenaire digne d’eux en matière de tyrannie mentale réciproque et plus si affinités / Celui qui a toujours eu quelque scrupule esthétique à chier dans la mer / Celle qui pressent que cette fois nul n’échappera au tsunami en dépit des rapports excellents que certains membre du groupe entretiennent avec celui qu’ils appellent Le Tout Puissant sans prendre tout à fait au sérieux cette appellation / Ceux qui estiment que les dernières dévastations des îles Samoa ont sûrement un motif à caractère moral s’agissant d’indigènes à l’excessive sensualité, etc.
    Image : Balthasar van den Bos.

    (Notes prises en marge de la lecture de Typhon de Jozef Korzeniowski, alias Joseph Conrad)

  • Ceux qui arpentent les parapets

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    Celui qui devine les vraies frontières / Celle qui sent en elle un vieux fonds de Rom indo-européenne / Ceux qui savent les filiations musicales reliant les pays des marches européennes opposées qui n’ont plus en commun que l’enseigne du McDo / Celui qui déjoue les leurres de l’Union Européenne en créant des réseaux parallèles / Celle qui raconte son Portugal terrien à un spécialiste californien des Lusiades respectueux des anciennes mœurs catholiques / Ceux qui se rencontrent à un cours de russe donné à Estoril par le fils d’une amie berlinoise du romancier Vladimir Nabokov / Celui qui va pour perdre les trois kilos de trop que lui reproche sa conquête lisboète avec laquelle il parle avec passion de métempsycose / Ceux qui savent par cœur les vers de T.S. Eliot disant à peu près : « Tu as commis la fornication / mais c’était dans un autre pays / et d’ailleurs la fille est morte ». / Celui qui lit Hésiode dans le train de Cascais / Celle qui écrit une lettre à Andrzej Stasiuk à propos de son livre sur l’Allemagne qu’elle vient de finir au bord du Tage / Ceux qui vivent depuis des années à Oeiras sans se douter que le 99,9 % des habitants de la ville souabe de Schelklingen ignorent absolument l’existence de cette ville du sud du Portugal / Celle qui bosse à l’hôpital de Cascais à cause d’un infirmier slovène qui lui a tapé dans l’œil à Malmö / Ceux qui ont vu le Maltais se risquer tout au bord de la falaise de Cabo da Roca et provoquer une réaction hystérique de sa compagne arguant que c’est lui qui avait les billets de retour et les cartes de crédit et qu’on ne joue pas avec les nerfs d’une Danoise / Celle qui déclare qu’après avoir fait le Portugal en une semaine elle va faire les Baléares en évitant Ibiza qu’on dit un foyer de maladies sexuellement transmissibles par les Espagnols pourtant si attirants / Ceux que l’Atlantique fait rêver au Brésil et qui vont donc prendre un café serré en attendant de rentrer à la maison où ils boivent surtout du café au lait au lit , etc.

    Photo: LK. Dernier soir aux docks d'Alcantara, sous le Pont du 25 avril.

  • Ceux qui hantent les eaux profondes

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    Celui qui a l’air d’une mitaine géante aux nonchalantes nageoires et aux yeux blasés par la si lente évolution des choses en ce bas monde / Celle que son mimétisme distingue à peine du fond vaseux de la soupe originelle / Ceux qui se déplacent en bancs serrés d’inspecteurs des lieux à profils d’apparatchiks sévères / Celui dont chaque mouvement dit qu’il est requin dans l’âme et ne peut en changer / Celle qui apprécie l’ambiance franchement conviviale qui règne en ces zones d’ordinaires massacres et dont on ne sait à quels principes pacificateurs elle obéit – peut-être quelque taoïsme évangélique des eaux / Ceux qui ont l’air d’attendre Godeau / Celui qui fonce droit devant lui comme un maquereau sur un mauvais coup / Celle qui a la grâce ailée d’un papillon des hauts fonds / Ceux qui se déplacent en scintillantes escadrilles et réalisent des figures à la fois ondulatoires et corpusculaires / Celui qui a cette lippe dubitative qui fait dire à Marcel Proust que tel de ses personnages a le profil d’un mérou / Celle qui évoque une inerte dentelle florale et bouge soudain comme un gracile dragon / Ceux qui malgré leur aspect de vieux garçons sont nés femelles et ont viré de bord afin d’aller et de procréer comme c’est recommandé dans la Bible / Celui qui se rend visiblement à un rendez-vous galant avec un brin de corail à la boutonnière / Celle qui brille de tous ses feux bleus / Ceux qui ont la plasticité des montres molles du peintre surréaliste espagnol aux moustaches de poisson-chat et aux branchies attrape-dollars / Celui qui semble maugréer sans cesser de tourner en rond comme un retraité mal luné / Celle qui scintille comme une mantille / Ceux qui évoluent comme dans leur propre rêve / Celui qui sent venir l’heure de la tortore / Celle qui se foutrait à l’eau de désespoir si elle savait ce qui l’attend si on l’en sortait / Ceux qui se laissent porter par de bonnes ondes / Celui qui a l’air d’une pierre ponce et n’en pense pas moins à sa façon postmoderne tendance Sloterdijk Ecumes II / Celle qui joue a loutre espiègle à facéties selon les termes de son contrat d’engagement de pitre nourri-logé / Ceux qui se savent un palier de l’évolution et en louent le Seigneur vu ce qui se passe en surface à ce que disent les journaux / Celui qui se dit que ce doit être bien chiant d’être enfermé derrière ces parois de verre à ne faire tout le temps que photographier à longueur de temps / Celle qui alu une fois Le silence de la mer mais sa réincarnation punitive en murène / Ceux qui se rappellent que le Nazaréen Ieoshuah Ben Iosef a multiplié des poissons pour en faire de la friture, etc.
    Image :Lucienne K.

     

     

  • Ceux qui se rappellent deux trois petites choses

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    Pour L.

    Celui qui de sa panoplie de chef de gare de 5 ans préférait la palette qui lui permettait de donner le signal du départ au train dit La Flèche rouge / Celle qui a découvert les lettres enluminées de l’Alphabet dans un livre de sa grand-mère reçu à un Noël de l’autre siècle / Ceux qui ont gardé le plumier fleurant l’encre de leur première année d’école / Celui qui les fins d’après-midi de pluie allait ramasser des escargots dans la haie de l’Asile des aveugles / Celle qui ne prêtait pas le bébé mouilleur de sa poupée Agathe aux longs cils mobiles / Ceux qui allaient glaner dans les champs de blés moissonnés du haut du quartier actuellement barré par trois tours de vingt étages / Celui qui se rongeait les ongles et dont sa tante dure conseilla à ses parents de lui tremper le bout des doigts dans une substance orange et poisseuse qu’ils ne lui appliquèrent qu’une fois tant elle puait / Celle qui se fit savonner la langue à sept ans pour un mot réellement ordurier qu’elle avait emprunté à l’oncle Victor ce rustre / Ceux qui remontaient la rivière aux écrevisses en craignant un peu les attaques-éclair des voyous de la Maison de redressement / Celui qui montrait sa boutique aux écoliers traversant le matin le parc Mon-Repos / Celle qui échangeait volontiers les vignettes de footballeurs que son frère lui cédait contre des portraits d’actrices (Doris Day, Ava Gardner) et d’acteurs (Tony Curtis, Errol Flynn) qui enrichissaient sa collection fleurant l’odeur de cannelle d’un chewing gum de marque oubliée / Ceux qui avaient de la poudre de limonade dans leur musette qui les rendait assez populaires aux courses d’école / Celui qui convoitait des patins de hockey style canadien au lieu de ses minables lames à visser lui attirant lazzis et horions / Celle qui possédait la seule télévision du quartier et permettait aux enfants de voir Lassie Chien fidèle moyennant la somme de quatre sous pour l’Oeuvre des missions / Ceux qui se levaient avant l’aube pour aller voir le montage du cirque Knie avant l’arrivée des animaux / Celui qui aimait les randos improvisées dans l’arrière-pays dont on revenait parfois à point d’heures / Celle qui lisait James Oliver Curwood sous les couvertures sans risque d’empêcher sa soeur encore analphabète de dormir / Celui auquel sa mère reprochait de prêter trop d’attention aux publicités de la Gaine Scandale / Celle qui avait déjà pas mal de bois devant la maison à douze ans seulement / Ceux qui avaient des pères avocats ou médecins auxquels l’instituteur Duflon montrait plus d’intérêt qu’à la piétailles des fils de magasiniers ou même de prolétaires le plus souvent socialistes et portés à boire / Celui qui osa enfin demander le modèle réduit du Forrestal pour l’anniversaire de ses neuf ans en l’année dite des réfugiés hongrois / Celle que l’impératrice Sissi faisait rêver à dix ans et qui n’a pas tellement évolué depuis lors de ce point de vue malgré sa présence au groupe Femmes du séminaire pédagogique / Ceux qui aimaient le goût des tiges de rhubarbe / Celui qui fut impressionné à l’apparition de la première courtilière que son père déterra et coupa en deux de son fossoir en la traitant de fléau du potager / Celle qui écossait les pois en compagnie de sa mère adoptive et d’une autre orpheline du quartier / Ceux qui gardaient les Italiens du quartier à l’œil et déconseillaient à leurs enfants de s’attarder chez eux / Celui qui s’est fait traiter de fille manquée pour avoir tricoté une écharpe de laine écrue / Celle qui a brodé au point de croix une Joconde dont tu pourras chercher longtemps le sourire énigmatique / Celle qui aimait présenter le bidon de lait familial au laitier dont les bras nus et roses avaient quelque chose d’un peu troublant / Ceux qui chantonnaient les catholiques c’est des bourriques à la sortie des futurs communiants de la salle de paroisse papiste / Celui qui se tenait à bonne distance de sa danseuse au redoutable tango / Celle qui aura porté le premier soutien-gorge à bonnet de la classe de Mademoiselle Python / Ceux qui n’ont aucune espèce de nostalgie au ressouvenir de leur enfance aussi platement ordinaire que délicieuse par le détail, etc.
    Image: Philippe Seelen

  • Ceux que la mémoire perd

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    Celui qui te demande trois fois qui tu es avant de te raconter des détails inédits de ta plus tendre enfance / Celle qui se dit perdue dans un champ d’interrogations d’ordre herméneutique sans se rappeler ce que diable cela peut signifier / Ceux qui ne savent plus mettre de noms sur certains visages et s’en trouvent affligés à l’idée de blesser la personne ainsi détruite / Celui qui est parti ce matin de chez lui où il se retrouve pourtant à l’instant avec deux oignons dont il se rappelle juste que les peler risquerait de le faire pleurer / Celle qui est troublée par le bel abbé qui l’enjoint de confesser ses péchés d’hier et même d’avant-hier / Ceux qui ont probablement vécu plusieurs vies dont pourraient témoigner diverses épouses assermentées mais lesquelles encore ? / Celui qui constate que la moitiés des partitions qu’il savait par cœur se sont effacées de sa mémoire avec son numéro de plaques et le nom de l’orchestre dont il était le Chef / Celle qui croise une tortue dans l’escalier dont la seule vue au bord d’une marche la précipite dans la mélancolie / Ceux qui s’introduisent par inadvertance dans le Labyrinthe des appartements aux portes ouvertes où des miroirs les attendent / Celui qui se voit passer dans la rue sans oser se héler crainte d’être importun / Celle qui n’oubliera jamais aucune de ses robes de mariage alors que ses conjoints successifs se fondent dans la même effigie de Clark Gable l’invitant à monter dans la Chevy blanche qui les emportera elle ne sait plus où / Ceux qui longent plusieurs avenues parallèles genre Montevideo mais à des époques différentes / Celui qui demande au violoniste Morel (ou Sorel, ou Borel ?) de lui rejouer certaine sonate émouvante de ce Verneuil (ou Merteuil ?) qu’il interprétait avec grâce avant la Grande Guerre / Celle qui cherche au cimetière la tombe de l’amant inconnu / Ceux qui te regardent fixement par le Judas sans savoir si tu es vraiment celui que l’œilleton trahit / Celui qui commence chaque matin un nouveau roman dont l’incipit se passe de suite / Celle qui a noté toutes ses coordonnées sur des billets disposés dans la doublure de son chapeau sans préciser où elle oublierait ledit chapeau et comment la reconnaître sans chapeau / Ceux qui ont oublié la magique formule qui permet de se rappeler les formules magiques, etc.

    Image: Philip Seelen

  • Ceux qui rampent

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    Celui qui cherchera toujours à voir les qualités inhérentes aux défauts des cadres supérieurs de l’Entreprise / Celle qui préfère une DG fascisante à pas de DG du tout / Ceux qui constatent que le néo-cynisme lubrifie les rouages de l’Entreprise avec plus de fluide efficace que l’éthique de gauche ou même de centre droite / Celui qui s’est fait marginaliser pour son refus de participer aux sorties échangistes des cadres du marketing / Celle qui estime qu’un geste équivoque d’un employé doit être signalé aux RH sans l’ombre d’une hésitation surtout s’il s’agit d’un ressortissant de cultures genre Brésil / Ceux qui se surveillent mutuellement avec un zèle croissant en période de prétendue crise / Celui qui se couche avant que les circonstances ne l’y obligent / Celle qui a trouvé dans la political correctness un cadre existentiel qui lui permet de faire coïncider son idéal d’ancienne cheftaine scoute surnommée Loutre vigilante et les reliefs de son engagement de représentante syndicale acquise aux nouveaux codes d’une écologie libérale socialement consciente / Ceux qui s’abaissent pour mieux écraser un jour / Celui que la proximité d’un Conseiller a toujours mis dans un état second et fait dire à tout coup le contraire de ce qu’il ressentait au point de le faire passer pour un type fiable/ Celle qui est arrivée au sommet de l’Etat à la force du piolet / Ceux qui inspectent les mains de leurs ouvrières avec des airs empruntés à la haute hiérarchie militaire / Celui qui souffre à chaque licenciement d’avoir un collègue de moins à critiquer / Celle qui essaie de comprendre la logique de la progression des limaces en terrain découvert sans y parvenir / Ceux qui en ont eu assez d’entendre que les derniers seraient les premiers dans l’autre monde et qui en ont conclu qu’il valait mieux s’inscrire au parti dominant et suivre un plan de carrière sans états d’âme enfin on se comprend / Celui qui détourne la tête quand il sent qu’on va lui demander publiquement son avis sur Borel dont il préfère parler à la déléguée des RH en aparté quitte même à excuser ce sacré looser pour mieux l’enfoncer / Celle qui appelle serviabilité ce que ses collègues intellectuelles appellent servilité mais là faudrait s’entendre / Ceux qui ont toujours opiné du chef sans rien perdre des réactions du sous-chef, etc.
    Image : Philipe Seelen

  • Ceux qui ne se laissent pas avoir


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    Celui qui travaille réellement / Celle qui sent la nuance entre ce qui compte et ce qui ne compte pas au regard de son éternité personnelle / Ceux qui restent conséquents / Celui qui prend la vie plus au sérieux depuis la mort accidentelle de son meilleur ami de jeunesse / Celle qui recommence à peindre des anémones sur fond blanc genre Morandi en plus sobre / Celui qui est devenu son propre scribe auquel il dicte d’un air apparemment détaché mais méfiez-vous des êtres doubles / Celle qui reste consciente des grands espaces amérindiens en dépit de l’exiguïté de son balcon sur cour / Ceux qui laissent parloter leurs invités en regardant ailleurs / Celui que son bon sens bassement paysan a préservé du nihilisme du parti philosophique dominant / Celle qui se dit la rose contradictoire de son poète / Ceux dont le silence pèse mais qui s’efforcent de sourire aux imbéciles accablants qui les entourent en aggravant d’autant leur cas jugé plus ou moins irrécupérable du point de vue socio-économique / Celui que son indépendance narquoise fait de plus en plus détester / Celle qui entoure son postier retraité de mille prévenances tout en réservant le meilleur de ses soins à la rocaille qui a établi sa réputation dans le quartier et les magazines spécialisés / Ceux qui ont cru faire le deuil de leur jeunesse en renonçant au marxisme léninisme - mais voyons camarade / Celui qui s’en est longtemps tenu aux Classiques français du XVIIe avant d’en revenir aux Grecs et à Tintin / Celle qui a toujours fait la part chez son jeune écrivain de la Bête et du bêta / Ceux qui répondent de plus en plus poliment aux raseurs qu’ils envoient promener / Celui qui s’est fait une réputation de mauvais coucheur pour pouvoir dormir debout / Celle qui n’attend plus rien que l’homme de sa vie au bout du quai / Ceux qui ne savent plus où ils ont égaré leur plan de carrière mais on s’en bat l’œil n’est-ce pas / Celui qui espère aller sur Mars avant sa retraite ce qui lui permettrait de caler le prix du voyage sur sa dernière note de frais / Celle qui ne veut plus des onguents à la gelée royale de ce Monsieur Pillard à perruque flottante qui la regarde comme si c’est lui qui l’avait aidée au temps ou tout allait de travers / Ceux qui s’attendent au pire et se contentent par conséquent du meilleur, etc.
    Image : Philip Seelen

  • Ceux qui sont un peu fatigués

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    Celui qui a pris toutes ses précautions au niveau gestion des maîtresses et qui apprend que sa femme en a aussi plusieurs dont un Congolaise alors là ça la fout mal / Celle qui s’est toujours sentie un peu russe depuis qu’elle a lu La Dame au petit chien sur la terrasse de l’ancien sana de Silvaplana où ses parents l’envoyaient se refaire une santé / Ceux qui se défient de l’affectivité slave dont ils savent les débordements réversibles comme les sourires carnassiers de Iossip Djougachvili / Celui qui n’oubliera jamais le goût de la confiture de mirabelles de sa mère et donc de sa grand-mère puisque la recette venait de celle-ci ou plus précisément de la bisaïeule de celle-ci dont le prénom s’est perdu avec le temps / Celle qui s’enfonce dans les arborescences de la généalogie avec une soudaine ferveur / Ceux qui n’ont aucune idée du bonheur d’écrire et qui te demandent d’un air agressivement apitoyé : « Alors toujours dans les écritures ? » / Celui qui aime aimer point barre / Celle qu’aucun homme n’a jamais fait vraiment jouir autant que son jouet chinois et qui s’en trouve plus libre d’esprit pour s’adonner à sa passion de la numismatique égyptienne / Ceux qui ont l’air d’être choqués d’apprendre que leurs parents ont encore une vie sexuelle et non moins choqués d’apprendre le contraire / Celui que met en joie un rayon de soleil matinal qui tourne dans la chambre avant de se poser sur le guéridon style Armée du Salut / Celle que visitent les images d’une transmutation affective et spirituelle qu’on peut dire « de tous les jours » sans exagérer / Ceux auprès desquels on se sent bien / Celui qui reste baba devant cette phrase inattendue de la part d’une romancière sexagénaire d’apparence si rangée, comme quoi « les faux-semblants abondent, la bande des faux-semblants sévit dans les gares souterraines, voilà le hic » / Celle qui campe à la lisière du Bois de la Folle sous une tente phosphorescente à fermeture-éclair qu’un tank écraserait comme un oiselet tombé du lit / Ceux que le mot ENFANT écrit en violet à la machine Olivetti de leur jeunesse sur un petit carré de papier de soie a protégés jusqu’aujourd’hui comme un talisman / Celui qui se sent ce matin tout proche des Haïtiens alors qu’ils se trouve bien au chaud dans sa datcha / Celle qui sanglote encore dans les abris de fortune / Ceux qui s’accrochent plus que jamais à cette vie de merde, etc.
    Image : Philip Seelen

  • Ceux qui lévitent (ou l'évitent)

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    Celui qui déjoue le leurre des heures / Celle qui voit partout des tableaux d’elle / Ceux qui sourient dans leur cercueil roulant capitonné tout cuir de Russie / Celui qui rêve qu’il ne dit mot et consent sans savoir pourquoi / Celle qui se confie à ceux à qui celui qui la leur a confiée se fie / Ceux qui surmontent leurs montagnes de problèmes avec la grâce des cumulo-nimbus de l’arrière-pays préalpin vers la fin avril / Celui qui marche sur les eaux dans une dimension spatio-temporelle où le miracle est à la portée du premier messie un peu exercé / Celle qui brade la fortune du mandarin distrait / Ceux qui font du trafic de vocables rares / Celui qui a pas mal joué avec sa cousine de sept ans dont les bajoue actuelles lui évoquent le fameux Edward. G. Robinson hélas décédé / Celle qui fait parquer la Bentley du cardinal à la hauteur du petit bois dans lequel elle a connu ses premiers émois physiques et même métaphysiques n’est-ce pas Monseigneur ? / Ceux qui sont à cheval sur les principes et même debout sur le cheval au garde-à-vous / Celui qui aurait tellement aimé connaître les petites Bretonnes du temps d’Apollinaire et jusque dans les années 50 / Celle qui se fortifiait à la musculine Bichon au dam du curé des Batignolles qui la destinait plutôt à l’Epoux / Celui qui a toujours déploré le matérialisme un peu dégoûtant des miracles / Celle qui aime bien les Parisiens sauf en boîte ou au camping / Ceux qui font la lecture de la Loi d’Archimède au condamné avant de le pousser du haut de la falaise d’une chiquenaude / Celui qui a fait sa crise mystique comme tout le monde avant de jeter son uniforme de postier aux orties ce qui semble contradictoire mais pas tant si l’on y réfléchit à deux fois / Celle qui croyait purger ses colères à Lourdes sans s’attendre aux files d’attente / Ceux à qui Paul (l’apôtre) fait dire que « tous les saints les saluent » et qui le prient de leur rendre la pareille de la part de tous les Corinthiens et compagnie / Celui qui léviterait volontiers pour la chaîne catholique sauf qu’il est sous l’eau avec des semelles de plomb indispensables à l’entretien de la station de forage norvégienne / Celle qui t’écrit ce matin par SMS qu’on peut « à tout instant user du pouvoir d’aimer ses ennemis, accepter l’échec, la calomnie ou la douleur de la perte, ou encore endurer la torture », et à qui tu réponds fissa de ne pas oublier sa prise matinale d’Aspirine Cardio + et de saluer les enfants de ta part/ Ceux qui estiment que l’absolu est à la portée de tous à tout instant sans en tirer d’autre enseignement ce matin que la jouissance particulière ce matin de se taper un Continental Breakfast géant sur une tour de Macao, etc.

     

    Image : Philip Seelen      

  • Ceux qui n'en font pas un plat

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    Celui qui s’est retrouvé nu aux mains de cette femme qui le tenait pas les pieds comme un lapin et l’enjoignait de crier comme un goret sans s’aviser de cela que l’instituteur Habib ne pouvait l’avoir informé déjà des spécialités de ces compères animaux alors même que la représentation populaire de la Nativité s’en tient à l’âne benoît et au boeuf bougon / Celle qui dit à sa sœur Madeleine qu’y a un Jésus qu’est né chez les voisins basanés et qu’y faudra qu’on se cotise pour un cadeau pas qu’on prétende encore que les sœurs Duras sont racistes / Ceux qui remarquent qu’avec trois dieux en un ça simplifie et fera de l’économie vu que le pigeon St-Esprit pourra faire du buzz pour les Congrès de la Paix / Celui qui dit qu’il y tout dans la Bible sans l’avoir jamais ouverte sauf pour la poussière / Celle qui a la foi du chardonneret / Ceux qui aimaient tant la France qu’ils lui ont donné leur fille aînée qu’est devenue cheffe de réseau chez Telecom / Celui qui a compris que la vie était un péché mortel mais que ça se soignait / Celle qui s’occupe de la pub du groupe de rap catho Les Nouveaux Croisés / Ceux qui constatent qu’il y a tellement encore à découvrir dans la France des campagnes qu’ils en oublient de regarder la Ferme Célébrités quand ils rentrent le soir vannés mais contents de leur rando en vélo / Ceux qui fondent la secte des antisectes / Celle qui te serre la main si violemment pour te remercier d’exister qu’elle te fait péter la cicatrice du stigmate de ta paume droite / Ceux qui te prennent pour ce que tu es à savoir à peu près rien qu’un être humain entre plusieurs milliards dont chacun est unique et irremplaçable (en gros) comme ta femme en train de feuilleter le magazine Chapeaux et Jardins / Celui qui se lève du bon pied qu’il brise hélas sur le verglas du chemin du Calvaire mais comme c’est à côté du CHU on le reçoit aux urgences où il tombe amoureux d’une jeune Portugaise qui a le bras dans le plâtre / Celle qui prend la vie du bon côté quel que soit celui de la tartine qui morfle / Ceux qui aiment la vie comme elle va et même comme elle ne va pas mais faudrait pas trop pousser / Celui qui estime que ne penser qu’à lui est insuffisant aussi pense-t-il aussi à l’entretien de sa Toyota Cressida / Celle qui se demande s’il n’y a pas encore une petite place pour elle dans le cœur de Francis Cabrel et qui lui envoie donc une lettre romantique avec le timbre pour la « raiponce » / Ceux qui ont lu tout Michel Onfray pour mieux « cerner le problème » / Celui qui te reproche de n’avoir aucune sensibilité en espérant te vexer à mort mais sans s‘aviser de cela le pauvre que ton manque de sensibilité terrible va t’empêcher de ressentir quoi que ce soit ainsi que l’avait prévu Darwing dans son fameux opus sur la lutte des espèces et tout ça / Celle qui fume sa première clope sous la neige dans son manteau de tsarine avec cet air pensif qui t’émeut toujours après 27 ans de mariage le plus souvent non fumeur / Ceux qui font l’inventaire des choses qui ne se font pas sans tirer d’orgueil particulier de celles qu’ils ont faites juste « pour voir » ou par malice réelle va savoir, etc.


    Image : Philip Seelen

    (Li
    ste établie en regardant d’un œil La Flûte enchantée des sieurs Mozart et Bergman qui conserve son incomparable candeur musicale et visuelle)

  • Ceux qui vitupèrent

    Pointbarre.jpgCelui qui récrimine tellement qu’il lui est venu une gueule de dragon domestique japonais figé dans le bois dur / Celle qui peuple son aire de concierge du 21 de la rue de la Félicité (Batignolles) de l’Universelle Jérémiade / Ceux qui se réveillent furieux et se mordent parfois eux-mêmes dans le miroir ébréché de leur putain de lavabo / Celui qui se pose en nouveau Léon Bloy alors que plus personne ne se rappelle le style flamboyant de l’Entrepreneur de démolition et ne peut donc clouer le bec au fâcheux / Celle qui évite de mettre son parâtre en colère de crainte de le voir expulser une fois de plus son appareil dentaire et d’avoir une fois de plus à le ramasser vu qu’il est paralysé / Ceux qui ne peuvent entrer en contradiction qu’en vociférant à l’instar de leur chef de parti de plus en plus sourd et fascisant / Celui que l’académicien Jean Dutourd cherche à convaincre que le Club des Ronchons est en somme un aréopage de joyeux drilles / Celle qui peste à tout propos et diffuse une odeur d’ail qui accentue encore l’aigreur de ses propos / Ceux qui ne se parlent qu’en hurlant dans le bruit de machines du sous-marin et se révèlent de très doux compères à l’heure du thé / Celui qui a enregistré plusieurs discours d’Adolf Hitler sur une cassette qu’il envoie à tout interlocuteur qui l’embête au téléphone / Celle qui ne crie jamais que de plaisir / Ceux qui n’ont jamais vu Thomas Bernhard sortir de sa réserve discrète en tout cas dans les cafés de Salzburg où ils le croisaient à l’époque / Celui dont l’alacrité dans l’irascibilité fait toussoter les autres conseillers de la paroisse des Oiseaux / Celle qui admoneste ses jeunes employées de mauvais poil sous prétexte que ce n’est pas ainsi qu’on va séduire le client / Ceux qui se plaindraient s’ils n’avaient plus de quoi râler, etc.

  • Ceux qui se croient malins

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    Celui qui croit se grandir en crachant sur un peu tout / Celle qui se dit constructiviste pour se distinguer de son maître de thèse clairement déconstructiviste mais auquel elle rend hommage dans certaines de ses notes en pied de page / Ceux qui ne connaissent des noms de fleurs alpestres que ceux que la pub a boostés / Celui qui tire l’essentiel de sa philosophie des journaux gratuits / Celle qui est sûre d’avoir tout appris de ce qui lui sera utile dans sa nouvelle vie d’épouse de prophète évangéliste urbain / Ceux qui se gaussent de l’impatience de leur aïeul à leur rappeler qu’il a encore connu une télé humainement digne par exemple avec Léon Zitrone ami des chevaux qu’il a connu au Lavandou / Celui qui a fait mettre sous verre son diplôme de Plus Bel Athlète des cantons du Sud-Ouest et qui se marre en voyant aujourd’hui ses biscotos fondus comme des endives / Celle qui faisait tellement confiance à l’Abbé Corneille qu’elle s’endormait sur le siège du passager de sa Volkswagen après qu’il l’avait cueillie à la sortie des ateliers d’Altshom où elle portait comme qui dirait sa croix au titre d’ouvrière modèle (on devait être vers 1967 si Corneille roulait déjà coccinelle) et de vierge probable / Ceux qui ont passé des heures et des heures dans ce qu’ils appellent le train de la vie et qui se plaignent ce matin qu’ils n’y ont rien vu sauf les chutes du Zambèze et encore / Celui qui montre à son petit-fils Jason arrivé de Boston un voyageur de peau foncée sur le quai de la gare de Savannah en lui glissant « regarde le négro » alors que le garçon n’en a qu’à une femme à turban jaune et grand derrière qui tient à la main une cage de rotin dans laquelle glousse une poule de soie / Celle qui se demande si les jeunes noirs qui fument de l’herbe dans la cour de derrière ne vont pas tourner la tête à son pupille trisomique et si c’est pas nocif pour leur santé à eux dont on ne sait même pas ce qu’ils font de leurs journées / Ceux qui peignent des faons dans des clairières en pensant à l’ornement des cuisines modestes et qu’une mode soudaine propulse au top du marché de l’art mais pas pour longtemps les enfants / Celui qui a fait le tour du monde de la photo de mode puis le tour du monde de la pub tous azimuts puis le tour du monde des sites de rencontres virtuelles et qui te dit comme ça que tout ça est merdique et qu’il va en faire un roman comme on en a jamais vu et qui cartonnera au dam des Houellebeder et autres Beigbecq forcément jaloux à mort / Celle qui t’avoue qu’elle rêve dans son bain moussant de passer une fois ou l’autre chez Michel Drucker / Ceux qui ont gardé au cul la marque voluptueuse du divan de Michel Drucker / Celui qui fréquente le même gymnase que PPDA et trouve qu’il est resté tellement simple / Celle qui se met de la Scientologie pour se rapprocher au moins spirituellement de Tom Cruise / Ceux qui ont perdu plusieurs parents dans le sacrifice du Temple Solaire et qui attendent la Révélation Magnétique avec d’autant plus de ferveur effarée / Celui qui a changé d’Eglise mais pas de fureur homophobe à l’instigation de l’apôtre Paul dans sa fameuse Lettre aux Romains ou aux Athéniens il ne sait plus trop / Celle qui dit à la battue des coulpes du vendredi soir qu’avant le trottoir était son seul horizon alors que désormais les dons des Sœurs et des Frères la font survivre et que les extras ne sont que pour le plaisir / Ceux qui ricanent à l’observation des crédules tout en vouant un culte au dieu Dollar absolument lucide et scientifiquement contrôlé / Celui qui est persuadé que le nouveau clip du groupe Fuck the Bimbo va exploser la situation du rap limousin / Celle dont le Malin se sert pour détourner l’employé Nestor Dubonchemin de son bon chemin / Ceux qui font de tout un oratoire perso même un quai de métro genre station Denfert à l’heure de pointe, etc.

    Image : Philip Seelen

  • Ceux pour qui la vie continue

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    Le départ d’Ewa

    Celui qui ne s’attendait pas à ce qu’Ewa se défende / Celle qui l’a aidée à faire valoir ses droits / Ceux que se détermination a sidérés / Celui qui a changé de tactique quand il a compris qu’elles étaient prêtes à dénoncer ses trafics d’organes en dépit de sa position de force / Celle qui savait qu’elle reviendrait de là-bas d’où elle assurerait pendant quelque temps la survie de l’enfant et de sa mère à elle / Ceux qui estimaient que la prétendue agression intime n’était pas un motif justifié pour sa décision de démissionner de son poste de nouvelle cheffe de clinique et de se faire réengager comme aide-soignante dans une autre division où elle fut accueillie avec sollicitude par les anciennes victimes du Manchot / Celui qui fut tellement bluffé par la détermination d’Ewa qu’il fut d’abord tenté de faire la peau du Manchot et ensuite de la reconquérir en jouant sur sa gueule d’ange et le fait qu’il restait le père de l’enfant / Celle qui comme sa mère comprit le désir d’Ewa de changer de ciel et d’en préparer un autre à son enfant / Ceux qui pensaient à l’époque qu’elle avait renoncé à tout espoir / Celui qui rapporta au Manchot la rumeur d’un règlement de comptes qui se préparait contre lui dans la bande de l’ex d’Ewa très au fait de ses menées illicites et résolu à lui donner une leçon pour cette affaire privée / Celle qui fut chargée par Ewa de dire à Jegor qu’elle ne désirait point revoir celui qui lui avait ordonné de faire passer l’enfant avant de l’abandonner / Ceux qui lui ont souhaité bonne chance à la verrée des aide-soignants / Celui qui lui a trouvé un poste de gouvernante dans la périphérie de Vienne / Celle qui était avec elle et sa mère quand Ewa a serré l’enfant à l’étouffer / Ceux qui auraient aimé l’accompagner à la gare ce matin d’hiver mais auxquels elle s’est contenté de dire : la vie continue, etc.

    Image extraite d'Import/Export d'Ulrich Seidl.

  • Ceux qui perdent pied

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    Celui qui sent le sol se dérober sous son pas de moins en moins pesant au demeurant / Celle qui reste silencieuse devant ses patiences / Ceux que le bruit fait s’écarter de la Place de la Victoire / Celui que toute forme de violence même minime désarme / Ceux que la masse invisible mais omniprésente écrase / Celui que tout déçoit sauf les enfants en dessous de sept ans et les otaries au jeu / Celle qui diffuse encore un peu de lumière mais plus beaucoup / Ceux qui reviennent à la grabataire pour l’entendre chantonner contre le mur / Celui qui reprend son tour du bourg en se répétant qu’il est le Kant du canton et doit cette présence fidèle à l’Être Supérieur / Celle qui se dit que sa rage désespérée reste une façon d’espérer / Ceux qui égrènent des chapelets comme d’autres alignent des pages de sudaku / Celui qui se dit en recherche sans se souvenir de quoi et qui trouve pourtant sans savoir expliquer quoi / Celle qui va pour se jeter sous le train mais qu’un retard de celui-ci empêche d’arriver à ses fins donc elle rentre à la maison pour demander à sa fille au téléphone si les enfants vont bien / Ceux qui se croient aimés pour leur argent alors qu’ils sont ruinés et seuls à l’ignorer / Celui qui reprend la lecture régulière des journaux gratuits pour les faits divers abracadbrants qu’on y trouve comme l’histoire de la jeune fille qui a retenu son père cloîtré dans un cellier insalubre et gardé par un chien policier depuis qu’il lui a mis la main au sein et dit de sales choses sur sa mère demeurée mais bonne / Celle qui pouffe en songeant au dernier tête-à-tête de Chopin et de George Sand bottée et coiffée d’une bombe de fan de cheval / Ceux que l’humour irrésistible de la Vie en tant que telle dispose à la bonne humeur des scouts dits « malgré tout », tel Chef Lapin Fragile affligé de naissance d’une jambe torse et d’un bec-de-lèvre dont il défie les handicaps en sifflant des airs du genre Hello le soleil brille en sautillant sur sa canne de noisetier, etc.
    Image : Philip Seelen

  • Ceux qui foncent


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    Celui qui va dans le mur la tête en avant et sans casque / Celle qui s’est fait une silhouette aérodynamique de battante en dépit de ses oreilles délicatement ourlées / Ceux qui affichent l’Excellence à tous les niveaux du programme accéléré / Celui qui booste les plus méritants en louchant vers le scribe Bartleby / Celle qui pense efficacité jusque dans ses échanges affectifs triés par niveau de pouvoir / Ceux qui diligentent les rapports de rentabilité des nouvelles normes scolaires en milieu favorable / Celui qui défie les marqueurs de succès de sa seule présence molle à la Bartleby le scribe / Celle qui a un rôle impactant dans le team de tête / Ceux qui menacent la cohérence de la dynamique gagnante / Celui qu’on pressent le prochain maillon faible et qu’il s’agit de traiter en conséquence avant la procédure de décision sur la cure transgénique en matière d’énergies positives / Celle qui annonce le chiffres du Malus du mois dernier de la même voix blanche que lorsqu’elle annonce un décès non prévu / Ceux qui exigent un coming out explicite de la part de l’employé Raoul entrevu dans un fast food hallal tendance bi / Celui qui ne peut savourer pleinement la saison des jonquilles d fait du léger fléchissement des résultats les plus récents de la Maison mère de San Diego / Celle qui demande à sa fille Monique d’affronter le mois de mars 2010 avec une détermination tueuse / Ceux qui optimisent leur potentiel de manchots / Celui qui brûle ses vaisseaux à s’en faire péter la veine cave / Celle qui en pince pour le scribe Bartleby et lui demande s’il veut bien lui passer le raifort et à laquelle il répond « Je ne préfèrerais pas », Marylou…

    (Liste établie en feuilletant le volume IV des romans de Melville contenant notamment Bartleby le scribe, Billly Budd, marin, Benito Cereno et L’escroc à la confiance, qui vient de paraître dans la Bibliothèque de la Pléiade).

    Image: Philip Seelen

  • Ceux qui restent attentifs

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    Celui qui ouvre les yeux pendant la prière / Celle qui se retourne tout le temps par acquit de conscience / Ceux qui notent tout au fur et à démesure / Celui qui remarque l’enfant pauvre dans la rue où sa gouvernante le promène en laisse / Celle qui évite son oncle réduit à l’état d’homme-sandwich dans le quartier des théâtres au déplaisir de leur famille proche du Margrave / Ceux qui ont découvert la Malaisie et le centre de la Terre sous leurs couvertures / Celui qui rêve que la ville sur la colline se trouve inondée par les eaux noires de la lune / Celle qui sait maintenant de quels balcons tombent les jattes meurtrières / Ceux qui ont appris la puissance de la nature en observant les grands éboulements qui ont emporté les fabriques de briquets multicolores / Celui qui étouffe au milieu des meubles couverts de housses / Celle qui relit la 5e Promenade du rêveur solitaire dans son fauteuil à oreilles / Ceux qui ont un tendre souvenir des journées bordéliques de Summerhill / Celui qui cesse de prendre des notes quand le professeur nihiliste passe de la mort de l’homme à la pensée qui danse et ces trucs de vioques qui cherchent à renouer avec le rap / Celle qui n’a jamais été dupe de l’excessive considération que lui manifestait Pierre Bourdieu en sorte de lui prouver qu’il comprenait le peuple et même une coiffeuse de la rue des Etuves / Ceux qui se font cirer les pompes par Habib le Sage dans la médina de Tanger en échangeant des propos doctes sur la pléthore du signifié dans l’Ulysse de Joyce / Celui qui constate avec des sentiments mêlés que les jours grandissent tandis que sa mère décline / Celle que déprime la progression de la délinquance gratuite dans les bourgs cossus / Ceux qui ne font pas attention à la marche et ne s’en relèvent pas toujours ça dépend des cas, etc.  
    Image: Philip Seelen

  • Ceux qui affabulent

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    Celui qui s’invente de nouvelles vies à la tête du client / Celle qui a tout dit à son psy de ce qu’il voulait entendre de Jason dont ils se partagent les faveurs sans se l’être jamais avoué / Ceux qui mentent pour ne pas peiner / Celui qui sourit de voir sa sœur Adèle corroborer les inventions de sa chronique familiale dont elle prétend se souvenir des moindres détails / Celle qui se rappelle tout haut ses amours romanesques au fil des conversations en pleine cohue de midi qu’elle tient dans le métro avec son portable éteint / Ceux qui ajoutent des épisodes à leur épopée guerrière qui se rapprochent de plus en plus de la vérité / Celui qui se dit moins menteur que Cendrars en précisant qu’il met Papillon bien plus haut que Moravagine / Celle qui n’a vu qu’une fois la Bonne Marie dans le poirier mais qui n’en parlera qu’à sa sœur laquelle ressortira le fait après son décès brusque en invoquant devant les médias la Vierge du Pêcher / Celui qui prétend que ce qui est vrai pour Martin ne l’est pas pour Justin avant de constater avec surprise que Martine et Justine ont reconnu la même vérité dans les méditations de Ron Hubbard / Ceux qui constatent que toutes les religions mentent sauf la leur / Celui qui ment avec un tel sourire qu’on en redemande / Celui qui prouve qu’il se sous-estime en prétendant ne jamais mentir / Celle qui fait semblant de croire Nathan qui fait semblant de ne pas lui mentir / Ceux qui bourrent le mou des vierges dures / Celui qui ne ment qu’à ses amis sachant que ses ennemis risquent de le croire / Celle qui acquiert une liasse de mensonges épistolaires de Greta Garbo à Drouot qu’elle prétend avoir décroché pour presque rien à son rapiat de milliardaire / Ceux qui jurent de dire LA vérité et RIEN QUE la vérité à ces menteurs de juges, etc.

  • Ceux qui glandent

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    Celui qui se tourne les pouces la moitié du temps dans la Salle de Marché de sa Banque d’affaires (la Crise est passée) et ne fout rien le reste du temps / Celle qui épie son voisin juste séparé d’un canon en espérant qu’il la remarque par la fenêtre entrouverte de sa salle d’eau (elle trouve super de penser « salle d’eau ») avant la prochaine fashion victim / Ceux qui se disent à la masse sur Facebook pendant qu’ils font des heures sup de repos mais ça c top hush / Celui qui se prétend à Courchevel alors qu’il est juste à court de liquide / Celle qui dit à Jean-Patrick qu’elle va se lancer dans la déconstruction sans se douter que ce truc est déjà plus ou moins vintage comme l’objecte son boy friend par ailleurs incapable de lui préciser si Derrida est plus cool que Lacan / Ceux qui téléphonent aux femmes de rupins du quartier des Oiseaux pour leur reprocher leur parasitisme social au nom des principes élémentaires d’égalité qui n’ont rien à voir avec Dieu sait quelle jalousie de bas étage en tout cas en ce qui les concerne / Celui qui a compris que le meilleur endroit du jardin public se situait tout près de la Buvette du Kurde dont l’ensoleillement permettait de stationner presque tout l’après midi à équidistance de la bière et des lycéennes préférant parfois les requérants interdits de travail aux frimeurs séchant les cours de Droit / Celle qui n’ose pas dire à ses camarades de fac qu’elle rêve de sentir sur sa peau de pêche la paluche du Kurde encore luisante de graisse d’agneau / Ceux qui ont toute une théorie sur le droit de ne rien faire tout en se disant qu’ils n’ont pas à se justifier dans une société qui ne les laissera pas de toute façon s’épanouir au niveau spirituel / Celui qui a tergiversé toute la semaine avant de se décider à payer un nouveau piercing à Léa / Celle qui peut passer des heures à la porte du Florida en attendant de rencontrer le beau Fabio par hasard alors qu’il est sorti par la porte de derrière pour dealer avec son cousin Dario / Ceux qui taxent d’improductifs les blaireaux qui n’ont pas compris qu’on peut multiplier le dinar comme les pains de Jésus avec de cette farine bien blanche qui se coupe facile, etc.

  • Ceux qui traversent la Volodina

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    Celui qui apprend en rêve qui sera le Roi des Rues / Celle qui sait la profondeur Du Puits / Ceux qui cartographient les désirs secrets / Celui qui selle le Grand Palindrome / Celle que le désamour fait se replier dans les orbes de la rêverie sans céder pour autant au dépit morne / Ceux qui mangent des livres sans être moines pour autant / Celui qui revêt le scaphandre à conférences lacustres / Celle qui arbore la mine antipersonnelle de la vierge ressentimentale / Ceux qui se méfient des purs du quartier de Bourgeoise Vertu / Celui qu’indigne la pratique de la Loterie à soins urgents / Celle qui connaît le dédale de traboules conduisant aux retraits des étages affectifs / Ceux qui se font masser le cœur par les chamanes sans mains / Celui qui reste réservé à l’approche des anges / Celle qui fréquente les géopsychologues aux pectoraux développés de choristes familiers des archétypes / Ceux qui ont dans les doigts la force de l’anaconda / Celui qui tire sa gaîté d’un bain matutinal dans la partie de la Volodina non contaminée par les pensées ethnocides / Celui qui a toujours pactisé avec les amis de ceux qui se disaient ses ennemis / Celle que l’opinion publique a vainement tenté d’éloigner du Roi des Rues et de sa garde rapprochée de Libres Danseurs / Ceux qui rappellent à l’enfant le conseil du Peintre de fermer les yeux s’il veut voir la mer / Celui qui sait d’expérience que toute honte bue délivre de l’ivresse de se flageller / Celle qui rôde sous les murs de la maison des fous en fixant le cordon de fil Bickford comme elle l’a appris en revoyant plusieurs fois Le Pont de la rivière Kwaï / Ceux qui tirent quelque orgueil pardonnable du fait qu’ils ont ramené le stock utile de pains de plastic d’un lieu secret sis par delà la Volodina / Celui qui rêve qu’explose la maison des fous sans être sûr de se réveiller pour en fuir avec la Volpina qui ne dort jamais que d’un œil sous sa frange de renarde / Celle qui s’impatiente de sentir bouger en elle le Saillant du poète / Ceux qui font une distinction fondamentale entre une virée le long du canal aux ordures et la revitalisante balade sur les rives de la Volodina qui virent tant d’imprudents piétistes tomber sous les balles des snipers des deux bords / Celui qui estime gagner au change en négociant ses dernières dame-jeannes de bière salée contre une seule plume Sheaffer à bec oblique / Celle qui accompagne les déplacements de la Cité Ambulante au titre de cheffe de succion des humeurs délétères / Celui qui prescrit l’ingestion quotidienne de pages de L’Invention des autres jours aux citoyens en déficit de Gai Trobar (joyeuse improvisation, NDLR) / Ceux qui s’agenouillent en silence devant l’ossuaire des moineaux dont ils se serviront pour fabriquer, au moyen des plus fins osselets, des lunettes à mieux voir ce qui est et des éventails pour assistants de clavecinistes, etc.

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    (Cette liste a été établie en marge de la lecture d’Invention des autres jours, saisissante rêverie poétique de Jean- Daniel Dupuy, parue le 1er mai 2009 aux étditions Attila, avec des dessins piranésiens de Georges Boulard. Fascinant dès le premier regard, ce kaléidoscope onirique et néocritique vaut ensuite d'être lu très attentivement et très annoté dans ses marges spacieuses par le lecteur voyageur en quête de merveilles métasophiques, de topologie affective et d'ethnoscopie pluridirectionnelle)

  • Ceux qui formatent

     

    Panopticon882.jpgCelui qui tient un  registre journalier des noms de celles et ceux qui vont fumer sur le toit de l’Entreprise / Celle qui écrit à la direction de la Télévision pour se plaindre de la tenue excessivement voyante du présentateur vedette du TJ eu égard à la dignité de sa fonction financée par la et le contribuable à ce qu’on sache / Ceux qui se disent bicurieux au dam de toute identification claire au niveau de la sexualité libérée / Celui qui aligne ses employés pour les féliciter ou leur adresser un blâme collectif / Celle qui ne survivra pas à la levée du secret bancaire dont elle a fait son principe de vie depuis qu’elle gère la fortune d’un milliardaire bavarois devenu son amant malgré son bec-de-lièvre et après un long siège / Ceux qui ont vu des fortunes colossales s’effondrer avec une jouissance secrète bien plus intense que la petite secousse surévaluée d’un orgasme trimestriel / Celui qui surveille les marches arrière du fils du voisin ce crâneur roulant BMW qu’il se réjouirait de désigner à l’attention de la police du quartier /   Celle qui estime que rouler japonais est un début de trahison chez des employés du service public même en voie de privatisation / Ceux qui redimensionnent chaque semaine leur cheptel de clandestins nettoyant les chiottes de l’Entreprise / Celui qui enrage de n’avoir pas encore atteint le format d’un membre viril occidental classique en dépit de traitements plus ou moins onéreux / Celle qui ne se formatise pas des écarts de langage de son neveu Léo que son père pédant tend à tancer / Ceux qui ont un cerveau carré et des pieds plats correspondant aux nouvelles normes globalisées, etc.

    Image: Philip Seelen 

  • Ceux qui se cherchent un Agent

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    Celui qui a compris qu’un best seller c’est sujet-verbe-complément et se fait superchier depuis sept mois à faire du sujet-verbe-complément dans la cuisine où son projet ne dérange pas Monique et les jumeaux / Celle qui constate juste que son Eugène est très tendu depuis qu’il écrit le Best qu’il a demandé à son cousin Jean-Paul de gérer en tant qu’Agent pour l’Europe / Ceux qui bossent en atelier d’écriture sur la notion d’Incipit / Celui qui se plaint que tel poète minimaliste à la con ait obtenu des subventions pour son prochain recueil alors que son Best annoncé n’a rencontré que des moues dubitatives des commissions culturelles / Ceux qui savent par cœur le dernier Marc Levy que leur conjointe leur a raconté dans le jacuzzi ou sur l’oreiller / Celle qui se sent moins seule en constatant que toutes les femmes de la rame 12 du TGV Lyria se sont endormies sur leur Marc Levy quelque part dans un lit King Size / Celui qui découvre tout à coup que le sujet-verbe-complément de Marc Levy n’obéit pas au même rythme que celui de Guillaume Musso / Celle qui suggère à son amant Paul de lire L’élégance du hérisson pour qu’il se rende enfin compte qu’une concierge accro à Tchouang-tseu ne relève pas forcément de l’impossibilité bio-sociologique / Celui qui vexe sa colocataire japonaise en lui reprochant de ne lire que des mangas franchement sado-masos / Celle qui kiffe moyen De la grammatologie de Jacques Derrida que son prof lui a dit hyper-important pour comprendre le nouvel enjeu de la théorie littéraire post-moderne sans quoi t’as meilleur temps de faire serveuse dans un Mc Do qu’un Bachelor basique / Ceux qui disent franchement à Eugène qu’ils ne le voient pas en tête de gondole avec de si jolis jumeaux et Monique réellement épanouie / Celle qui écrit à Godard pour lui demander s’il ne pourrait pas le conseiller dans l’écriture d’un thriller déconstruit / Ceux qui entendent dénoncer le néo-fascisme libéral de la Télévision suisse dans le scénario radical qu’ils soumettent au producteur connu pour être une taupe d’ATTAC ou un truc comme ça /  Celui qui se trouve déstabilisé par la remarque de son coach de l’Institut littéraire qui lui conseille de voir tous les Derrick pour mieux objectiver les données socio-psychologique de l’observation fine en Allemagne du Sud / Celui qui se dit prêt à faire des concessions à l’écriture mainstream genre Martin Suter sans préciser que ça l’arrangerait d’éponger ses dettes de poker / Celle qui explique à son auteur qu’un bon roman doit au moins aligner cinq femme dont une fashion victim pour atteindre le minimum de 5000 lectrices sans quoi c’est tant pis pour vous Jean-Gab / Ceux se sont détournés de leur collègue Eugène M. quand ils ont vu son Best en tête de gondole et appris par les libraires qu’il restait tout simple en dépit de son succès phénoménal.

    Image : Philip Seelen      

  • Ceux qui errent dans les étages

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    Celui qui ne sait plus à quel dessein se vouer / Celle qui n’a plus aucune nouvelle de ses enfants diplômés / Ceux qui ne voient plus aucune secte ou société qui puissent les accueillir en leur giron / Celui qui vend à des millions d’exemplaires ses romans de gare qui ne l’intéressent plus ni ses droits d’auteurs non plus sauf qu’ils lui permettront de se retirer au Mont Athos d’où il envisage de lancer une Série Mystique pour public initié / Celle que l’Académicien a casée dans son dernier roman en lui faisant un passé de junkie croate non mais t’imagines la honte / Ceux qui travaillent à un logiciel de narration populaire de qualité / Celui qui écrit un roman porteur d’espoir et clairement orienté du point de vue développement durable / Celle qui recherche un livre propice à son épanouissement à tous les niveaux et qui ne lui demande pas trop de réfléchir / Ceux qui lancent une Association d’Aide aux Traders qu’ils pensent financer par des récoltes auprès des épargnants solidaires / Celui qui explique à sa voisine Sarah que l’antisémite Céline estimait la parole « Aimez-vous les uns les autres » typique de la manœuvre de déstabilisation juive visant à affaiblir l’Occident aryen / Celle qui constate dans un cocktail que le romancier spiritualisant Paulo Coelho n’a du Guerrier de Lumière que le feu des diamants de ses dix bagouzes / Ceux qui commercialisent la pilule du surlendemain à l’usage des femmes oublieuses ou convaincues que deux tu l’auras pas valent mieux qu’un tiens maintenant ça te concerne mon petit / Celui qui estime que le philosophe moustachu Friedrich Nietzsche apparaît aujourd’hui comme le Baptiste annonciateur de  Philippe Sollers le glabre Nouveau Messie français / Celle qui se dit la Vestale du Secret tout en remarquant que sa lutte contre le poil continue / Ceux qui ont la conscience tellement tranquille qu’on se demande si elle est encore mobilisable pour les Nobles Causes genre tri citoyen des déchets non biodégradables, etc.

    Image : Philip Seelen

     

     

  • Ceux qui tutoient Amadeus

    Panopticon54.jpgCelui qui rebondit ce matin bleu comme un lièvre blanc / Celle qui habite à merveille son prénom de Luciole / Ceux qui éteignent la médisance d’un sourire lointain / Celui qui a appris la joie dans les pires difficultés / Celle qui égaie sa mère grabataire en imitant des chants de passereaux de nos pays et environs/ Ceux qui estiment que chaque matin est le premier du monde / Celui qui parle du nez comme un phonographe du temps des 78 tours / Celle qui dit se bien entendre avec la peau de son conjoint Paul-André / Ceux qui se marrent tout seuls dans la foule de l’heure de pointe on ne sait trop pourquoi ni eux non plus / Celui qui parle à Mozart en regrettant qu’il soit mort si jeune mais en l’assurant de ce que sa musique l’aide à positiver au Bureau des réclamations dont il tient le guichet le vendredi / Celle qui se rappelle le crâne sourire de son fils Aurélien quand le Docteur lui a fait comprendre qu’elle le quitterait bientôt / Ceux qui aiment ce monde qui jamais ne fait la gueule / Celui qui a compris que c’est en agressant la toile qu’il en tirerait le portrait de sa Douce / Celle qui conseille à sa fille de ne rien faire à la va-vite et surtout pas l’amour et ses lettres à son père le taulard / Ceux qui sont obligés de voler très bas pour épandre de l’insecticide et risquent ainsi de tomber comme des mouches hélas c’est comme ça / Celui qui hésite à noter dans son mémoire de Master que Faulkner apprécie le fond de culotte des petites filles qui montent dans le poirier / Celle qui s’exclame « faites entrer les fauves ! » quand elle se met à sa table à écrire de romancière mystique sur les bords / Ceux qui considèrent leur enfance comme la seule expérience divine qu’ils ont faite de première main, etc.
    Image : Philip Seelen

  • Ceux qui scrutent le Fleuve de Feu

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    Celui qui trie les morts et les vivants / Celle à qui il reste une bouche (édentée) pour raconter / Ceux que la peur fait survivre / Celui qui découvre arme en main le désastre généralisé de l’hiver nucléaire auquel un fleuve de feu 3D donne sa consistance subodorée / Celle qui trouve l’attaque du nouveau roman de Dantec d’un kitsch achevé / Ceux qui sont convaincus de participer du Plan téléologique réunifié sous le sceau de la firme militaro-spirituelle Dantec & Dantec / Celui qui situe le Ground Zero de la Nouvelle Genèse de sa Création sui generis dans son génie quantique (dit-il) / Celle qui estime que certains nouveaux auteurs de l’Hexagone pyramidal abusent un peu de la Majuscule / Ceux qui comptent la puissance de feu de Maurice G. Dantec en mégatonnes / Celui qui profère sur fond de dark blue sky que La Terre est devenue une arme de destruction massive avant de demander à son amie Sylvie de lui quérir un paquet de clopes au kiosque voisin / Celle qui lit médusée cette phrase de la page 17 de Métacortex et se demande si elle arrivera à la page 18 avant de laisser tomber : « Le feu, la nuit, l’or, le carbone, simples variations d’intensité dans le champ quantique, illuminaient de ce clair-obscur élémental le littoral et les structures qui s’y calcinaient alors que la pâle luminosité céleste servait d’écrin vif-argent à ce monde en héraldique orange et bleue, ce monde Nuit/Feu, ce monde des flics, des morts, et de ceux qui regretteraient bien vite d’être vivants » / Ceux qui se rappellent la scène sublime du naufrage de L’Homme qui rit en lisant celles des deux navires pleins de réfugiés qui s’échouent au début du Métacortex de Dantec dit « le nouvel Hugo » par certains para-critiques de la Technostructure / Celui qui déclare qu’un ferry en feu est la seule cathédrale que mérite ce monde sans âme au sens des Pères de l’Eglise / Celle qui médusée lit cette sentence du nouvel Hugo de la Technostructure : « Quand l’eau brûle, même l’air est toxique », suivie de cette autre sentence: « Quand le feu est aquatique, aucun élément n’est épargné » / Ceux qui ont déjà conclu que l’an 2010 serait métacortical ou ne serait pas / Celui qui estime qu’une paire de Ray Ban suffit à identifier un flic 100 % nominal / Celle qui dépose discrètement son exemplaire de Métacortical sur un banc du Luxembourg selon la méthode éprouvée du book-crossing / Ceux qui ont vu la jeune fille punkoïde se débarrasser du pavé à couverture rouge feu mais n’osent pas se l’approprier au cas tout de même probable où l’objet serait volé ou sexuellement transmissible, etc.
    LireDantec3.jpg(Liste établie en lisant les 37 premières pages de Métacortex, dernier roman de Maurice G. Dantec qui en compte 807)

  • Ceux qui vont au trou d'un bon pas

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    Celui qui essaie d’attirer Jennifer hors de la party de l’ambassade pour lui faire admirer le ciel de Carthage / Celle qui laisse crever son mainate après avoir été repoussée par le bel et cruel Brésilien / Ceux qui prétendent que Joao n’est pas le meilleur coup du Studio 77 / Celui qui ne se doute pas que l’Engadine est aussi une région du Wisconsin / Celle qui a une langue trop acerbe et un esprit trop vif pour ses partenaires de badminton accros de Barbara Cartland / Ceux qui changent de marque d’eau gazeuse pour repartir à zéro d’un bon pas / Celui qui connaît une ascension foudroyante dans l’immobilier belge et met de l’argent de côté pour sa retraite à Zandvoort tandis que sa future veuve claque le magot avec le président du club de canasta du quartier liégeois d’Outre-Meuse / Celle qui révèle à ses cousines bretonnes que sa devise est depuis toujours En Avant ! / Ceux qui affirment que leur vie est faite désormais de mesures d’urgence / Celui dont le dernier chien Caramel dénichait des morilles même par temps sec / Celle qui estime que l’instabilité du monde actuel incite un couple économe et rangé à la location d’un MobilHome au camping Loin des méchants / Ceux qui remarquent que l’ablation de sa verrue faciale a rendu la fondée de pouvoir de l’Entreprise nettement moins acariâtre à l’endroit des coursiers les plus sexy / Celui qui montre l’exemple d’une bonne humeur communicative en entonnant chaque matin un chant des Joyeux Routiers, genre Marchons dans le Vent / Du matin levant / Celle qui se considère comme une médiocre mais se garde de le divulguer / Ceux qui ont survécu à la grande déprime des militants de la fin des années 70, pour se retrouver au Lyon's Club, etc.

    Image: Philip Seelen

  • Ceux qui s'avancent masqués

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    Celui qui recopie dans Le Surnaturel de Malraux ce passage qui lui rappelle les moiteurs ruisselantes traversées de sagaies de lumière orange et bleu électrique de son premier voyage onirique à Djaïpur: « Chaque soir de la saison des pluies, lorsque la brume chaude monte des flaques à travers les palmes ruisselantes, le millénaire appel de la conque surgit des tours qui bleuissent ; dans les ruelles religieuses où les marchands s’éveillent sur leurs ballots d’herbes aromatiques, les hommes peints de cendre blanche et les singes se couchent, comme au temps de Râmâyana / Celle qui vérifie la disparition d’un monde aimé en constatant que la librairie qu'elle hantait à dix–sept ans est aujourd’hui un commerce de parfums de luxe à prix cassés dont l’arrière-boutique sert d’atelier à des couturières clandestines / Ceux qui considèrent la nostalgie comme un sous-produit des forces d’improductivité / Celui qui sait que la bêtise fatigue et s’en tient donc à distance prudente malgré la fascination qu’elle lui inspire bel et bien / Celle qui fait ses gammes sur le corps de l’imberbe / Ceux qui ont cessé de croire à la Chine quand elle a cessé de suivre (majorité) la Voie des Divins Immortels / Celui qui descend au Louisiane pour observer les Ricains venus voir s’il reste un peu des nymphos de Miller alors qu’il y a surtout des Ricaines lectrices de Derrida / Celle qui tenait la main d’Albert Cossery à la toute fin de sa vie en ces murs / Ceux qui se réunissaient autour de Sartre le dimanche y compris le jeune Jean Ziegler rêvant déjà d’Afrique / Celui qui se demande ce qu’il aurait bien pu dire à Léautaud en le croisant rue de Buci en juin 1947 donc le mois de sa naissance ce qui rend la question stupide / Ceux qui mettent un écran de fumée sur leur bio foutrement intéressante du point de vue « romanesque » mais qui reste SECRET DEFENSE / Celui qui ne se découvre pas (viscope sur l’œil) devant le Tribunal des Gens qui l’interroge sur son Rapport à l’Essentiel / Celle qui ne pense pas à mâle / Ceux qui ont tendance à simplifier les formalités consécutives à un décès / Celui qui feuillette un magazine spécial dans la salle d’attente de la psy en train de rabibocher son fils pacsé avec un jeune cadre plein d’avenir / Celle qui terrorise sa fille Capucine en la menaçant de sévices si elle continue de lire des romans sous le manteau / Ceux qui ont passé sans transition de Guy des Cars (dont ils ont tout lu) à Marc Levy (dont ils liront tout) avec une tentative du côté de Modiano dont ils n’ont aucun souvenir / Celui qui lit Passion fixe de Sollers à l’insu de son père qui en est resté à la IVe Internationale point barre / Celle qui sort sa culture quand on lui parle de revolvers / Ceux qui rêvent de croiser Ingrid Caven dans le voisinage du fantôme du Ritz alors qu’elle sirote un porto flip à Berlin / Celui qui parle de Gide et de Martin du Gard comme «de deux vaches couchées l’une contre l’autre » / Celle qui lit Retour de barbarie dans le RER / Ceux qui tombent d’accord avec Michel Crépu,  l’auteur de Lecture qui prétend que « la muflerie est notre bain quotidien », etc

    Image: Philip Seelen


  • Ceux qui se retirent du JE

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    Celui qui remonte la rue transversale en claudiquant à la Talleyrand / Celle qui se précipite sur le jeune pianiste qu’on dit LA révélation de la semaine / Ceux qui dansent le tango entre mecs pendant que leurs épouses alignent les chiffres rouges dans les grands registres / Celui regarde longtemps le poisson dit Cardinal / Celle que personne n’écoute quand elle parle toute seule / Ceux qui se cachent pour lire / Celui qui n’ose pas dire que Nietzsche le botte / Celle qui se rappelle le temps où elle offrait son corps aux Chinois d’Oberkampf au sens où les Chinois entendent le corps ce qui ne va pas de soi / Celui qui a coupé les ponts avec les pontonniers / Celle qui prend les mots au mot / Ceux qu’on disait de la chair à canon mais qui n’ont jamais servi / Celui qui donne sa langue aux chiens / Celle qui affirme que qui a vu boira et que qui a bu voira / Ceux qui disent à Mary Long qu’ils la fumeraient bien sans filtre / Celui qui a trouvé la phrase inouïe qu’on citera bien après sa mort genre « quand je danse, je danse ; quand je dors, je dors », alors qu’il danse comme un pied et se bourre de Rohypnol / Celle qui affirme comme ça que l’Univers est la conséquence strictement physique d’un Gang Bang / Ceux qui se retournent dans leur tombe en désespérant de trouver la bonne position / Celui qu’impatiente les interdictions de fumer et de crier et de chier dans les bottes du Margrave et de jouer du saxo perso / Celle qui remet sa Gaine Scandale de la chic époque de l’apéritif Dubon Dubonnet / Ceux qui ne caressent jamais leur épouse en public au risque de passer pour des phoques / Celui qui dans l’aquarium divin sait distinguer le Tétra Feu de position du Drapeau belge / Celle qui discute avec sa mère dans la porte –tambour de l’Hôtel Polonia de Varsovie / Ceux qui tombent d’accord avec Jean-Jacques Schuhl l’ashkénaze arthritique baudelairien qu’il n’y a rien de plus vide qu’une piscine vide, etc.
    Image : Philip Seelen

  • Ceux que la mort surprend

     

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    Celui qui vocifère dans les ruines qu’il avait annoncé le Châtiment / Celle qui défendait trois jours plus tôt la légitimité d’une Justice divine devant la classe des lycéennes qui sont toutes restées sous les décombres / Ceux dont le voyagiste cynique qui-en-a-vu-d’autres dit qu’au moins ils ne crèveront plus la misère / Celui qui se demande ce matin si Jean-Euphèle a eu autant de chance que Lyonel / Celle qui propose une minute de silence à ses ados qui ne savent même pas le nom de la capitale du pays sinistré / Ceux qui se sentent de trop sans que cela ait le moindre rapport avec le malheur des malheureux / Celui qui s’est fait une religion à l’aube de la naissance de son enfant malformé / Celle qui estime que sa naissance a été la première catastrophe naturelle et que c’est pourquoi elle a refusé d’enfanter avant que Victor la persuade d’adopter un petit Guatémaltèque qui a mal tourné à l’adolescence mais c’est un autre débat / Ceux qui rappellent que Schopenhauer n’aurait pas été un tel pessimiste si la terre avait tremblé à Dantzig le 22 février 1788 / Celui qui veut absolument que le staff du journal se réunisse pour établir le Top Ten des photos de sinistrés qui frappent sans choquer / Celle qui dit qu’elle a déjà donné pour les tsunamis / Ceux qui ont un concierge haïtien dont ils n’ont jamais eu à se plaindre / Celui qui constate que la terre qui tremble a la consistance d’une feuille de papier de soie / Celle qui a vu soudain (raconte-t-elle) la terre s’ouvrir devant elle comme la mer devant Josué dans la Bible / Ceux qui ont vu passer l’écrivain Frankétienne en larmes et qui se sont réjouis de le voir bien vivant du fait qu’il pleurait / Celui qui prétend dans son émission God is your gun que le pacte avec le Diable des Haïtiens leur vaut cet avertissement qui vise directement les Cubains auxquels il prédit l’engloutissement prochain de leur île impie sous une vague jamais vue ici-bas depuis le Déluge du Très-Haut / Celle qui a décollé les paupières du garçon rescapé au visage entièrement plâtré / Ceux qui avaient réservé leur billet d’avion pour le surlendemain de la catastrophe et qui se demandent pourquoi le Seigneur continue de les protéger après le miracle de Noël 2004 où la surcharge de leur quatre étoiles préféré de Phuket les avait fait opter au dernier moment pour la Croisière Vietnam Confortable, etc.

  • Ceux qu'on a blessés

    PanopticonB105.jpgCelui que sa sensibilité certes exacerbée fait passer pour un monstre de susceptibilité à l’ego surdimensionné mais nom de Dieu pour qui ça se prend ? / Celle dont personne n’a remarqué la nouvelle robe vieux rose qui la fait pourtant plus jeune de dix ans et dont c’est encore elle qui a cousu les volants fantaisie / Ceux auxquels on recommande de se reposer au lieu de les laisser s’éclater dans les cha-cha-cha du milieu de soirée à l’hospice L’Etoile du Soir / Celui dont ses camarades du Groupe Bricolage disent par derrière que ses paysages au point de croix font quand même vieux jeu / Celle dont le rimmel coule dans la soupe à la courge du mercredi après que ce mufle de Lambercier lui a demandé pourquoi elle se maquillait encore à l’âge de se choisir un cercueil conforme à son ancien standing de femme de fourreur juif / Ceux qui se sentent exclus du Banquet de la Vie du seul fait du régime draconien que leur impose leur diététicien trentenaire qui a le teint d’un mec qui se tape des entrecôtes quotidiennes et des filles chaudes à moins qu’ils soit carrément de l’autre bord / Celui qui ne demande rien à personne mais reproche quand même à la Vierge Marie (ça reste entre nous) de ne lui envoyer réellement personne / Ceux qu’on regarde de travers parce qu’ils s’obstinent à rester droits que c’est à n’y pas croire au point qu’on se demande s’ils sont payés ou quoi / Celui qui ne dit rien sans consentir pour autant / Celle qui avait la voix de Céline Dion et même plus et à laquelle on a reproché de l’imiter alors qu’elle avait sept ans de plus depuis toujours et je te dis pas son expérience au karaoké dans ses interprétations de Piaf à la vie à la mort / Ceux qui ont connu LA blessure sans pouvoir dire de quoi il s’agit / Celui qui a commencé de se taire à l’âge de douze ans alors qu’on se demandait qui il était AU FOND et AU TOTAL / Celle qui préfère la télévision à la Ligne de cœur pour crier sa détresse de divorcée économique ultra-grave / Ceux dont les constats de plus en plus noirs sur le monde en général et l’arrière-monde en particulier n’entament en rien la désarmante joie de vivre, etc.

  • Ceux qui chinent à Lisbonne

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    Celui qui a vu l’étoile orange dans le ciel indigo / Celle qui a gravi les échafaudages pour être plus près des anges pyrotechniciens / Ceux qui ont assisté aux premiers émois lusitaniens de Miracle / Celui qui retrouve au détour de cette ruelle déserte de Lisbonne les même éclats de voix de très jeunes filles (peut-être imaginaires) que dans le même genre de venelle sévillane / Celle qui voit trouble d’un œil et sourit quand elle apprend qu’un verre des lunettes du poète Fernando Pessoa était également fêlé / Ceux qui revendent leurs trésors (dont un hippocampe séché) à l’abri du container dont ils ignorent qu’y loge une chanteuse de fado déchue / Celui qui hante le marché aux puces qu’on appelle ici le Rastro et dont le poète Ramon a si bien parlé / Celle que fascine la blancheur virginale du crâne de calao qu’on ne saurait confondre avec celui du koala d’un ton nettement plus ambré / Ceux que fascinent la jongleuse de boules de croquet dont nul ne sait laquelle contient l’explosif / Celui qui se confie à son silure avec la conviction tranquille que ça ne sortira pas de là / Celle qui retient la nuit pour la passer avec Johnny / Celle dont la seule apparition fait figure de miracle en dépit de sa minijupe assez cheap / Celle qui sème ses galants dans le dédale des draps à l’étendage sur le toit de l’hôtel ATLANTICO / Ceux qui ont le mal du pays sans même savoir qu’il n’existe plus / Celui qui rêve de tout oublier de sa vie de séditieux à l’époque des Troubles sauf la vision des jambes des lycéennes passant à la hauteur du vasistas de la cave où il se planquait / Celle qui va rendre le chien Dragon que lui a confié la SPA et propose aux employés de leur confier l’enfant Flocon pour éviter une trop cruelle séparation / Ceux qui nt rencontré la femme sans âge au visage brodé sans se rappeler où, etc.

    Miracle4.JPG(Ces notes ont été consignées en marge de poèmes-vignettes évoquant parfois les « échantillons » de Ramon Gomez de La Serna, entre autres brocanteurs du quotidien enluminé, signés Marcel Miracle et réunis, sous le titre d’Au delà Lisboa, à l’enseigne des éditions art& fiction, avec de belles peintures de l'auteur)

     

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